Histoire du Consulat et de l'Empire
la déposition des pouvoirs dans les mains d'un seul 76
LE CHANTIER DES RÉFORMES
homme, nommé par l'État ou son représentant, est présentée comme favorable aux intérêts de la communauté, ce qui peut paraître paradoxal, mais s'avère un argument payant à l'heure de la dislocation des élites locales.
Le cadre administratif sert enfin de base à la refonte de la carte judiciaire. Dans une société marquée par l'insécurité, la fonction du juge apparaît essentielle ; elle est complémentaire de celle du préfet.
« Surveiller et punir » sont en effet les maîtres mots de la pensée bonapartiste. Une nouvelle fois, la nomination remplace l'élection, sauf dans le cas particulier des juges de paix, chargés au niveau du canton de régler les petits contentieux. Ils restent élus directement par les citoyens jusqu'en 1802. Mais tous les autres magistrats sont nommés, avec une double intention. La première consiste à faire dépendre l'avancée de leur carrière de l'État, ce qui forme un frein à leur indépendance. La seconde revient à les distraire aux influences locales et ainsi à leur donner une plus grande autorité dans leurs jugements. La volonté de rompre avec certaines formes de laxisme contemporaines de la Révolution est manifeste. Le Code pénal, publié dix ans plus tard, le démontrera avec force. Déjà, les consignes données en 1800 vont dans le sens d'une plus grande sévérité des tribunaux. La réforme judiciaire de mars 1800 concerne avant tout la délimitation des compétences propres à chaque tribunal.
À la base de l'édifice judiciaire, figure la justice de paix qui s'inscrit dans le cadre cantonal. Au niveau de l'arrondissement, un nouvel échelon de juridiction est créé avec l'instauration des tribunaux de première instance ; composés de trois juges au moins, ils ont compétence pour juger les affaires civiles et pénales, et ils servent de chambre d'appel pour les jugements prononcés par les juges de paix. À l'échelon supérieur, le chef-lieu de département abrite le tribunal criminel. Mais un quatrième niveau de juridiction est créé qui déborde le cadre administratif, à savoir le tribunal d'appel dont le ressort s'étend sur quatre ou cinq départements. En 1800, le champ de l'appel est limité aux affaires civiles et commerciales, mais s'étendra, après 1808, aux jugements des tribunaux correctionnels. Le système mis en place sous la Révolution est donc partiellement préservé, avec notamment la persistance des deux jurys, maintenus jusqu'à la réforme de 1808. Enfin, au sommet de la hiérarchie judiciaire, une Cour de cassation est maintenue, désormais composée de quarante-huit juges nommés à vie par le Sénat. Sa principale fonction reste la cassation des jugements qui lui sont déférés, mais elle acquiert aussi le droit, à partir de 1800, d'interpréter la loi.
Le cadre dans lequel vivent les Français a donc été partiellement transformé dans les premiers mois du Consulat. De nouvelles habitudes se mettent en place, tant en matière de perception des deniers publics, d'administration, que de justice. Ces réformes entraînent le recrutement d'un nouveau personnel d'agents du fisc, de préfets ou 77
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
de juges, dont la particularité est de devoir sa place au nouveau régime. La recomposition de ces élites locales, souvent recrutées parmi le personnel des anciens révolutionnaires, a largement contribué à rallier ces hommes au nouveau pouvoir et a de ce fait privé l'opposition d'éventuels soutiens. Toutefois, en 1800, tout un pan de la société reste encore aux marges du régime. Ce sont les catholiques, vers lesquels se tourne désormais l'attention du Premier consul.
3. LA PAIX RELIGIEUSE
Lorsque le Consulat se !flet en place, la question religieuse domine la vie politique. Les Eglises sont sorties de la période de terreur marquée par la déchristianisation et tentent de se régénérer, mais elles doivent continuer à lutter contre les éléments anticléricaux qui souhaitent limiter leur puissance. En outre, si le différend s'est provisoirement estompé entre catholiques et protestants, il n'en est pas de même à l'intérieur de l'Église catholique, toujours profondément divisée entre réfractaires et constitutionnels. L'attitude face au serment à la Constitution exigé en 1790 continue de diviser le clergé, même si depuis plusieurs autres serments ont été
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