Histoire du Consulat et de l'Empire
proposés qui brouillent la carte des forces en présence. Les réfractaires ont alors le vent en poupe. Depuis 1795, ils ont rouvert de nombreux lieux de culte et obtenu le renfort d'un nombre croissant de prêtres rentrés d'exil. La répression subie au lendemain du 18-Fructidor a freiné cette reprise, sans l'interrompre. La situation de l'Église constitutionnelle est plus délicate. Elle n'a pas été éparg�ée par la Terr}!ur et souffre des conséquences de la séparation de l'Eglise et de l'Etat décrétée en 1795. Nombre de ses membres ont été guillotinés ou ont rendu leurs lettres de prêtrise. Ses évêques, conduits par Grégoire, se s5-mt réunis à Paris en 1797 pour tenter d'enrayer le déclin de leur Eglise. Ils ont désigné de nouveaux titulai�es pour les évêchés vacants et encouragé l'ordination de prêtres.
L'Eglise constitutionnelle continue par ailleurs à administrer de très nombreuses paroisses, en particulier en ville, mais elle échoue dans ses projets de fusion avec l'Église réfractaire et se heurte à l'intransigeance de Rome et des anciens évêques en exil. Cette division entre Églises embarrasse les pouvoirs publics ; elle est en effet une atteinte au principe d'unité nationale et à la réconciliation prônée par Bonaparte. C'est pourquoi l'un de ses premiers soucis consiste à régler la question religieuse.
Le Coz, alors évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine et l'un des chefs de file de l'Église des Réunis, pressent cette intention chez Bonaparte et s'en ouvre à son collègue Grégoire, dès le 20 décembre 1799 : « Comme sans religion et sans culte bien établi, 78
LE CHANTIER DES RÉFORMES
les mœurs publiques et le gouvernement ne se pourraient soutenir, notre état doit aussi changer, et j 'ai des raisons de croire que notre souverain Consul va s'en occuper incessamment 14. » Il est vrai que Bonaparte a déjà pris des mesures en faveur du culte, non qu'il soit particulièrement attaché à la religion, mais parce qu'il a compris que le pays ne pourrait être sagement gouverné sans un apaisement religieux. En bon disciple de Rousseau, il sait qu'une société ne peut vivre sans la religion, fût-elle naturelle. L'échec des religions de substitution, que ce soit le culte de l'Être suprême ou la théophilanthropie, l'incline à penser que seul le catholicisme, religion de la
« grande majorité des Français », peut être le lien social indispensable à toute vie en société. C'est pourquoi ses premières mesures visent à briser les contraintes qui pesaient encore sur l'exercice du culte. Tout d'abord, une certaine tolérance prévaut à l'encontre des prêtres émigrés qui commencent à rentrer en France sans être inquiétés. Surtout, au lendemain de la promulgation de la Constitution, Bonaparte prend plusieurs décrets, datés du 28 décembre 1799, qui permettent au clergé de récupérer les églises ou chapelles qui n'ont pas été vendues comme biens nationaux. De même, il est désormais possible de pratiquer le culte un autre jour que le décadi, bien que le calendrier républicain subsiste. Dans le même temps, la politique de pacification de la Vendée et plus généralement de l'Ouest s'appuie sur un important volet religieux. La promesse faite aux populations catholiques de ces régions de pouvoir exercer librement leur culte a fortement contribué à les désolidariser de la chouannerie. Enfin, le Premier consul tente de briser la division entre les deux clergés, réfractaire et constitutionnel, en n'exigeant plus qu'une simple promesse de fidélité à la Constitution de l'an VIII. Ce geste d'allégeance au nouveau pouvoir, que quelques prêtres intransigeants refusent encore, prélude sinon à la réconciliation des deux clergés, du moins à son unification sous une même autorité. Bonaparte facilite le libre exercice du culte, tout en le cantonnant à la sphère du privé. Son entourage républicain, composé d'anticléricaux virulents et de matérialistes, n'aurait pas alors compris qu'il allât plus loin dans la reconnaissance des cultes chrétiens. Pourtant il fait encore un geste le 30 décembre 1799, en demandant que des honneurs funèbres soient rendus à la dépouille de Pie VI, ,mort en captivité à Valence au mois d'août. Par cette décision, l'Etat français reconnaît l'existence de la papauté, au travers de son représentant, et amorce ainsi un rapprochement indispensable au règlement de la question
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