Histoire du Consulat et de l'Empire
constituer les premiers fonds de la Caisse d'amortissement qu'il crée dans le même temps.
La création de la Caisse d'amortissement représente le deuxième volet de la politique d'assainissement des finances publiques. Elle vise en effet à apurer la dette publique, qui est considérable, en rachetant des rentes perpétuelles et surtout en versant les intérêts de la rente d'État. L'objectif principal est de rétablir la confiance chez les épargnants, passablement échaudés par la faillite des assi-72
LE CHANTIER DES RÉFORMES
gnats et la banqueroute de l'État en l'an VI. La confiance revenue, l'argent sort des bas de laine pour alimenter la machine économique, mais ,aussi les réseaux financiers si nécessaires à la bonne marche de l'Etat. La Caisse d'amortissement est également sollicitée pour faire des avances au Trésor. Tout naturellement, elle se trouve associée à la création de la Banque de France en 1800. Le régime désirait disposer d'un établissement financier solide, sur lequel il puisse s'appuyer en cas de déficit budgétaire ou de besoin urgent.
Diverses tentatives de création d'une banque d'escompte avaient vu le jour sous le Directoire, mais aucun des établisseme�ts créés n'était assez puissant pour pouvoir accorder son crédit à l'Etat. Les liens qu'avait noués Bonaparte, à la veille du 18-Brumaire, avec les milieux de la banque parisienne permirent d'envisager une concentration de capitaux suffisante pour créer un tel établissement.
L'initiative de la création semble appartenir aux banquiers euxmêmes, mais elle n'aurait pas abouti sans l'aval du gouvernement qui reste cependant discret, tant la méfiance est grande dans le public vis-à-vis de toute intervention de l'Etat en matière financière.
Le 6 janvier 1800, les statuts de la nouvelle banque sont approuvés.
Le 13 février se tient la première assemblée générale des actionnaires. Deux hommes jouèrent un rôle particulièrement important dans sa fondation : Lecouteulx de Canteleu, manufacturier rouennais et banquier, devenu sénateur, et Perrégaux, banquier d'origine suisse, également membre du Sénat. La Banque de France est administrée par un conseil de quinze régents et trois censeurs, élus par l'assemblée générale et devant disposer d'au moins trente actions.
Le capital de la Banque de France, de trente millions de francs, a en effet été divisé en trente mille actions de mille francs. Les souscriptions sont hésitantes jusqu'à la paix de Lunéville ; il faut deux ans et demi pour placer les trente mille actions initiales. La famille Bonaparte participe elle-même au capital, afin de renforcer la confiance dans ce nouvel établissement. Finalement, le capital se trouve être assez dispersé, entre plus de deux mille actionnaires, mais un dixième d'entre eux, constituant ce qu'on appellera ensuite les « deux cents familles », dispose de la moitié du capital. Ces gros actionnaires appartiennent au monde de la haute finance, de la banque ou du négoce maritime. Le soutien du régime se traduit par le renforcement des réserves métalliques de la nouvelle banque : la Caisse d'amortissement lui confie la moitié des fonds provenant de la caution des receveurs généraux, tandis qu'elle absorbe aussi deux autres établissements financiers. Le stock métallique de la Banque de France doit en effet être suffisant pour lui permettre d'effectuer le réescompte des traites reçues par les autres établissements bancaires et financiers. Par son poids, la Banque de France garantit ainsi une stabilisation du réseau bancaire, jusque-là fragile ; elle permet d'éviter des faillites préjudiciables au crédit. Elle facilite par là même la reprise économique, en aidant à la circulation de l'argent, 73
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
par exemple par l'entremise d'avances considérables consenties aux négociants chargés de la fourniture aux armées. Bien que privée et en principe indépendante du pouvoir, la Banque joue aussi un rôle de soupape de sécurité pour le Trésor, puisqu'elle fait des avances sur les rentrées futures. Elle acquiert ainsi un statut privilégié. Dès le 18 janvier 1800, Bonaparte lui a accordé la protection du gouvernement, la Banque ayant obtenu le droit d'émettre des billets. Mais elle n'est pas, pour l'heure, la seule à avoir ce privilège.
Une nouvelle étape est franchie en avril 1803, avec la réforme monétaire entreprise par Bonaparte,
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