Histoire du Consulat et de l'Empire
conscription, le préfet doit aussi s'occuper des questions d'enseignement et, bien!ôt, après la signature du Concordat, de la réorganisation des Eglises. Il a aussi pour mission d'encourager le développement de l'agriculture, du commerce et de l'industrie et, à cet effet, veille à l'entretien des routes et à la construction de nouveaux ouvrages d'art. De par ses multiples fonctions, le préfet est en relation avec la plupart des ministres, même si le ministre de l'Intérieur reste son interlocuteur privilégié. Agent d'exécution, il sait aussi prendre des initiatives et secouer le joug parfois pesant du gouvernement. Ainsi, à Fouché qui lui reprochait de ne pas l'avoir informé d'une question d'ordre public, le préfet de l'Isère répondit : « J'ai toujours regardé comme un principe de bonne administration de ne point épuiser l'action ou la surveillance du gouvernement sur des détails que l'autorité locale peut régler définitivement Il. »
L'omnipotence du préfet n'est qu'à peine contenue par la présence à ses côtés d'un conseil de préfecture, composé de membres nommés par l'État, et dont le rôle est purement consultatif. Quant au conseil général, assemblée représentative des intérêts locaux, 75
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
mais où, en vertu du système électoral, ne sont admis que des notables du département, il limite son action à des tâches budgétaires auxquelles il adjoint, le cas échéant, la rédaction d'adresses au gouvernement. Son influence est donc très réduite sur la vie et l'administration du département. Ce schéma se reproduit au niveau de l'arrondissement puisque le sous-préfet, souvent un homme du cru, est entouré d'un conseil de sous-préfecture et d'un conseil d'arrondissement au rôle effacé. Lui-même se contente d'administrer en pleine dépendance à l'ég�rd du préfet.
Le préfet représente l'Etat dans son département et, à ce titre, il se doit d'être à la hauteur de sa charge, ce qui n'est pas sans poser quelques difficultés à certains de ces hommes qui, tout en étant issus de la bourgeoisie, n'ont pas une fortune considérable. Thibaudeau, nommé préfet de la Gironde le 2 mars 1800, en fait l'amère expérience : « Le Premier consul voulait que les préfets eussent une maison montée et de la représentation, qu'ils donnassent des repas, des bals, des fêtes, pour procurer de la considération à l'autorité, de la dignité au gouvernement et lui rallier les partis. La plupart des nouveaux fonctionnaires n'avaient pas assez de fortune. Avec un traitement de vingtquatre mille francs, le préfet de la Gironde n'avait pas de quoi faire grande figure à Bordeaux 12. » Les listes de notabilités montrent en effet que dans la plupart des départements certains habitants, en général issus de l'ancienne noblesse, ont conservé ou récupéré des fortunes considérables. Le préfet ne peut donc rivaliser avec eux, mais la primauté que lui offre le protocole dans les cérémonies, aussi bien que l'uniforme qu'il porte ou l'hôtel qu'il habite, en fait malgré tout un des premiers personnages de son département.
Le préfet a aussi mission de nommer les maires des communes de son département ou, pour les plus importantes, de proposer cette nomination à Bonaparte. Dans tous les cas, les premiers magistrats des trente-six mille communes françaises échappent aux suffrages de leurs concitoyens et deviennent des agents de l'État, même si le conseil municipal qui les entoure est recruté au terme d'une élection. Cette décision qui renforce la centralisation administrative est justifiée par Bonaparte qui, dans une note dictée à son frère Lucien, en mars 1800, s'en prend au système qui prévalait sous la Révolution, déplorant la spoliation des communes, « filles délaissées ou pillées depuis dix ans par les tuteurs municipaux de la Convention et du Directoire », et ajoutant : « En changeant de maires, d'adjoints et de conseillers de commune, elles n'ont guère fait, en général, que changer de mode de brigandage ; on a volé le chemin vicinal, on a volé le sentier, on a volé les arbres, on a volé l'église, on a volé le mobilier de la commune, et on vole encore sous le flasque régime municipal de l'an VIII 13. » Bonaparte use du procédé qu'il a utilisé au niveau national lorsqu'il s'appuyait sur l'antiparlementarisme pour justifier l'accroissement du pouvoir personnel. Dans le cadre de la commune,
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