Il suffit d'un Amour Tome 2
encore couchée. Les couvertures remontées jusqu'au nez, elle regardait la scène d'un œil farouche et nettement réprobateur. Mais le jeune capitaine ne s'en inquiéta pas. L'expression tendue de Catherine le tourmentait bien davantage.
— Avez-vous vu Sara, ce matin ? demanda-t-elle
sans même prendre la peine de répondre au profond salut du jeune homme.
— Je ne l'ai pas vue, mais l'un de mes hommes l'a aperçue. Il était très tôt, peu après le lever du jour. Elle est partie avec les tziganes, en croupe derrière le chef.
— Partie ?...
Une peine profonde bouleversa soudainement la jeune femme. Une brusque envie de pleurer comme une petite fille abandonnée. Ermengarde avait eu raison. Rien n'avait plus compté pour Sara des vieux liens de tendresse en face de l'appel de la vie d'autrefois, de la tentation d'une vie errante et libre... Catherine était bien obligée d'admettre ce qu'elle avait tellement refusé de croire la veille au soir. Elle baissa la tête et Jacques put voir une larme rouler sur sa joue.
— Oh ! Vous pleurez ? s'écria-t-il bouleversé.
— Oui... mais cela passera. Je vous remercie, mon ami. Nous partirons dans l'heure. Veillez à ce que tout soit prêt.
Elle se détournait vers la fenêtre pour lui dérober ses larmes et, intimidé, il n'osa pas risquer une consolation. Du fond de son lit, Ermengarde haussa les épaules, fit signe à Jacques de s'éloigner. Quand il eut refermé la porte derrière lui, elle sortit de son lit et, sur ses pieds nus, trotta jusqu'auprès de Catherine qu'elle enveloppa tendrement de ses deux bras.
— Venez pleurer avec votre vieille amie, mon petit... Je ne pensais pas, hier au soir, avoir vu si juste ! Il ne faut pas croire que cette Sara ne vous aimait pas. Mais, voyez-vous, elle est de la race des oiseaux migrateurs. Ils ne savent pas résister à certains signes. Ils s'en vont... mais ils reviennent.
Catherine secoua la tête, réprimant un sanglot.
Elle ne reviendra pas ! Elle a retrouvé les siens, son élément... mais ce qui me fait le plus mal, c'est qu'elle soit partie ainsi... sans même un adieu.
— Elle a peut-être eu peur qu'un adieu lui rendît le départ impossible...
Habillez-vous, Catherine, et allons-nous-en ! Il fait trop triste ici !...
Une heure plus tard, la litière emportant les deux femmes s'ébranlait. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Jacques de Roussay caracolait à la portière sans oser même regarder Catherine. Elle portait si souvent à ses yeux son mouchoir de dentelle ! Le jeune homme se sentait malheureux d'être tellement impuissant devant ce chagrin. On poursuivit la route en silence.
Vers le milieu du jour, les frontières de Bourgogne furent franchies sans que l'on ait trouvé trace de Sara et de la troupe de Bohême. Il semblait qu'ils se fussent tous dissous dans les brouillards matinaux.
Catherine éprouva une vraie satisfaction à retrouver sa maison de la rue de la Parcheminerie et Abou- al-Khayr, toujours aussi affairé mais toujours aussi amical. Le petit médecin ne quittait guère son laboratoire où, grâce à la générosité de Garin, il avait tout ce dont il pouvait avoir besoin pour ses expériences. Continuellement, des courriers de Bruges ou de Venise lui apportaient des plantes, des herbes, des métaux et des épices dont il composait baumes et médicaments. Le retour de Catherine sous un voile et des bandages l'offusqua comme une atteinte à une œuvre d'art. Il entra dans une telle colère qu'elle n'osa pas lui avouer que Garin était l'auteur du chef-d'œuvre. Elle ne voulait pas entamer la reconnaissance et l'estime sincères que le médecin maure portait à son hôte. Elle lui raconta une fumeuse histoire de chute de cheval dans un fourré particulièrement épineux, dont Abou-al-Khayr ne fut aucunement dupe, mais qu'il fit semblant de croire par courtoisie.
Il exigea pourtant de se rendre compte de l'étendue des dégâts malgré la résistance choquée de Catherine et l'examina soigneusement, sur toutes les coutures, mais sans se livrer à aucun commentaire, ce qui soulagea grandement la jeune femme. Pourtant en passant un doigt soigneux le long du dos meurtri, il se permit une remarque :
— Curieux, l'effet de ces épines... ! Il faudra que je me rende tout exprès dans le Nord pour les examiner de près... fit-il avec un brin d'ironie et tant de bonhomie que Catherine se contenta de sourire sans répondre.
Par contre, il loua grandement l'emploi qu'avait
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