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Il suffit d'un Amour Tome 2

Il suffit d'un Amour Tome 2

Titel: Il suffit d'un Amour Tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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à l'ombre des murs de l'auberge et Catherine pouvait voir leurs visages à la fois avides et méfiants, juste sous sa fenêtre. Soudain, dominant le tintamarre enragé des tambourins et des claquements de mains, surmontant même la mélodie bizarre du luth, une voix s'éleva, chaude, ardente. Les paroles inconnues lui conféraient une puissance envoûtante que Catherine connaissait bien.

    — Qu'est-ce que cela ? souffla Ermengarde qui s'était approchée derrière son amie.
    — Sara ! Elle chante !
    — J'entends bien... mais quelle voix extraordinaire ! C'est étrange... et magnifique !
    Jamais Sara n'avait chanté comme ce soir. Dans la taverne enfumée de Jacquot de la Mer, elle chantait sa nostalgie, ses regrets. Cette fois, toute la joie violente de la vie libre, des espaces infinis, des folles chevauchées passait dans son chant. De son observatoire, Catherine pouvait la voir, assise, les mains nouées autour de ses genoux, lançant vers le ciel étoilé une mélodie échevelée, ponctuée de cris rauques et d'un refrain que toute la tribu reprenait en chœur. Elle se leva soudain, tendit les bras vers la grosse lune ronde, maintenant bien dégagée, comme pour la saisir. Le chant et la danse se conjuguaient, de plus en plus rapides, de plus en plus sauvages. Toute la tribu chantait maintenant et le chant déferlait sur la campagne endormie comme un roulement de tonnerre... Sur un cri aigu les danseuses, toutes en même temps, firent le même geste. Les robes tombèrent à terre, libérant les minces corps bruns luisants de sueur... Il y eut de l'agitation sous la fenêtre de Catherine. Les paysannes bousculaient énergiquement leurs époux qui résistaient pour les faire rentrer à la maison...
    — Oh ! avait fait Ermengarde, mi-scandalisée, mi-admirative.
    Catherine s'était contentée de sourire. Elle en avait trop vu à la Cour des Miracles et dans la taverne de Jacquot de la Mer pour s'offusquer du spectacle. Elle ne trouvait rien de choquant dans la nudité de ces filles, toutes jeunes, toutes belles. Leurs formes harmonieuses avaient une grâce sauvage, une beauté de statues animées par magie. Mais les yeux des gitans brillaient comme des charbons ardents. De gros nuages s'apprêtaient à engloutir la lune, le feu n'était plus que braises rougeoyantes... L'ombre, peu à peu, allait envahir le campement. Un homme accroupi au bord du feu bondit sur l'une des filles, l'enleva dans ses bras et l'emporta derrière le bouquet d'arbres. Un autre fit de même, puis un autre... Sara chantait toujours mais la nuit se peuplait de soupirs. Avec décision, Ermengarde tira Catherine en arrière et ferma la fenêtre. Catherine vit qu'elle était très rouge et se mit à rire.
    — Oh, Ermengarde ! Vous êtes scandalisée ?
    — Scandalisée, non !... mais j'aime autant ne pas avoir de cauchemars cette nuit. Un tel spectacle n'est bon ni pour une femme de mon âge... ni pour une femme du vôtre quand son mari est au loin.

    Catherine ne répliqua pas. Elle sentait que la comtesse avait raison, qu'il était plus sage de se détourner de la bacchanale nocturne. Mais, une fois au lit, elle demeura longtemps les yeux ouverts, l'oreille au guet. De temps en temps, la voix de Sara se faisait entendre, fredonnant plus qu'elle ne chantait, accompagnée par les accords légers du luth. Puis, peu à peu, tout s'éteignit.
    Le premier soin de Catherine, en s'éveillant le lendemain matin, fut de courir à la fenêtre. Repoussant le volet de bois, elle se pencha au-dehors dans l'air frais. Mais une exclamation déçue lui échappa. Il n'y avait plus trace du campement des bohémiens... à part peut-être des cercles noircis dans l'herbe, là où les feux avaient flambé. Ils avaient dû partir tôt, à l'aube même, évanouis dans la lumière rose du matin comme un rêve. La campagne était paisible, sereine. La bacchanale de la nuit s'était dissipée aussi aisément que la fumée des feux. Quelqu'un sifflait sous la fenêtre de Catherine qui ouvrait sur une porte de l'écurie. Elle vit que c'était l'un des soldats d'escorte et l'appela.
    — Dites à messire de Roussay que je désire lui parler.
    L'homme sourit, salua et disparut en courant à l'angle de la maison.
    Quelques minutes plus tard, Jacques de Roussay frappait à la porte des deux dames et, sur la permission qui lui fut accordée, entrait. Drapée dans une robe du matin, Catherine l'attendait, debout auprès de la fenêtre. Quant à Ermengarde, elle était

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