Il suffit d'un Amour Tome 2
Attendre ici ma rançon ? Crois-tu donc que j'aie entrepris ce voyage insensé pour attendre au fond d'une tour croulante que Philippe m'arrache des mains d'un brigand impécunieux à coups de sacs d'or ? Dans ce cas, j'avais bien meilleur temps de repartir tout de suite pour Bruges ! Or, c'est justement cela que je ne veux pas. Je crains l'or de Philippe autant que les bandits de Fortépice, davantage peut-être car il représente la prison dont je ne pourrai jamais m'évader...
Elle avait saisi Sara aux épaules et, les dents serrées d'exaspération, la secouait sans ménagements.
— Je me moque de Philippe, tu entends ? C'est Arnaud que je veux rejoindre. Arnaud ! C'est clair ?...
— Tu es folle, Catherine ! Cet homme te hait ! Il n'a jamais fait que te mépriser, toujours il t'a fait souffrir.
— Mais je l'aime, comprends-tu ? C'est ça qui compte... ça seulement !
J'aime mieux mourir sous les murs d'Orléans plutôt que régner à Bruges pourvu qu'en rendant le dernier souffle, ma main touche celle d'Arnaud !
Quand donc comprendras- tu qu'il y a des années que je l'aime, que je n'ai jamais aimé que lui. Je veux sortir d'ici, et le plus tôt sera le mieux...
D'un geste sec, Sara se dégagea des mains de Catherine.
— Tu me fais mal ! reprocha-t-elle. Je crois, en vérité, que tu perds vraiment la tête.
— Et moi, riposta Catherine hors d'elle, je crois que tu es devenue bien sensible. Ce sont les caresses de Fortépice qui t'ont changée ainsi, en une nuit ? C'est bien toi, Sara, qui me conseille d'attendre ici, patiemment, comme une chèvre à l'attache, que le maître vienne me racheter ? Tu as changé, tu sais ? Mais je suppose que tu tiens à ce que Fortépice gagne son argent.
Catherine, folle de colère, ne se possédait plus. Sara recula comme si elle l'avait giflée.
— Comme tu me parles ? fit-elle douloureusement. Sommes-nous donc devenues ennemies, en une seule nuit ?
Raidie dans sa rancune, la jeune femme détourna la tête, alla vers la fenêtre.
— Je ne suis pas ton ennemie, Sara. C'est toi qui as cessé de me comprendre. Et cela, moi, je ne le comprends pas. Il n'y a plus qu'un but dans ma vie : Arnaud ! Si je ne puis l'atteindre, je n'aurai plus rien à faire sur terre.
Sara baissa la tête et, lentement, se dirigea vers la porte sur laquelle elle posa sa main brune. L'absurde et chatoyante robe qu'elle portait centralisait maintenant le soleil. Catherine vit qu'une larme brillait sur sa joue.
— Je ne t'en veux pas, dit-elle sourdement, parce que tu souffres encore.
Cette nuit, j'essayerai de te faire quitter ce château. Jusque-là, tiens-toi tranquille...
Elle sortit et Catherine demeura seule, un peu honteuse d'elle-même. Mais ce ne fut qu'une impression passagère. Même ce que pouvait penser Sara n'avait plus aucune importance. Son être entier était tendu vers un seul et unique pôle magnétique : l'homme, au regard dur mais dont la voix savait se faire si tendre et qu'elle n'avait jamais pu oublier. Elle ne vivait plus que dans l'attente de la minute, précieuse entre toutes, où elle le reverrait, lui...
Toute la matinée se passa pour elle à rêver, appuyée à la fenêtre, et à regarder scintiller dans le soleil le ruban argenté de l'Yonne. Elle était si bien parvenue à oublier sa condition de prisonnière et le décor misérable qui l'entourait qu'elle sursauta quand Tranchemer lui apporta son repas de midi : quelques tranches de chèvre rôtie qui sentaient fortement le bouc mais qui lui parurent délicieuses. Apparemment, les chèvres du sire de Courson avaient eu un sort tragique dans la nuit !
L'après-midi fut mortelle. La souffrance en moins, elle rappelait à Catherine les jours terribles du château du Mâlain, quand chaque minute qui passait pouvait apporter un nouveau danger. Cette fois, c'était l'espoir, plus que la crainte, que cultivait Catherine mais le passage du temps était presque aussi cruel. Sara avait dit que, le soir même, Catherine quitterait Coulanges. Mais comment ? Le déclin du jour fut accueilli par elle avec une sorte de joie. Il fallait seulement encore un peu de patience pour savoir...
Après le souper, toujours apporté par Tranchemer qui fit de méritoires mais vains efforts pour lier conversation, les heures se traînèrent, lamentables. Les bruits du château s'éteignirent, un à un, sans que Sara reparût. Seul demeura bientôt le pas lourd, cadencé et métallique, des guetteurs sur le chemin de ronde. La
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