Il suffit d'un Amour Tome 2
à l'obscurité et elle pouvait se diriger sans trop de difficultés. Mais, au bout du champ, elle s'arrêta un instant, perplexe. Un épais rideau d'arbres s'ouvrait devant elle : opaque, noir comme un mur.
Comment, dans ces conditions, retrouver le sentier qui rattrapait la route ?
Du cœur inquiet de Catherine, une courte prière monta vers le ciel. Il fallait qu'elle trouve ce sentier, il le fallait absolument !...
Comme pour répondre à sa silencieuse invocation, les nuages épais qui roulaient sur la vallée s'écartèrent légèrement, livrant passage à un mince croissant de lune. Sa lumière était faible, mais suffisante tout de même pour que Catherine distinguât enfin la brèche étroite dans la muraille végétale.
Elle s'y jeta comme dans un refuge, sans même se retourner pour regarder encore une fois la masse noire du château. Le conseil de Sara était bon. La traversée du champ lui avait évité le bourg et les rencontres toujours possibles. Là, dans ce sentier, elle ne pouvait plus être vue, en admettant que l'un des guetteurs eût d'assez bons yeux pour distinguer sa mince silhouette.
Sous le couvert des arbres, Catherine s'arrêta un instant pour reprendre haleine et laisser se calmer les battements désordonnés de son cœur. Elle s'étira, sentit tout son courage lui revenir malgré son dos endolori et ses mains arrachées. Grâce à Dieu, elle n'avait pas perdu sa dague dans sa chute et, tout compte fait, tout s'était très bien passé. Elle était libre...
Courageusement, elle se mit en marche, suivant de son mieux le sentier.
C'était un layon qu'avaient dû tracer les forestiers pour la coupe du bois et il s'élargissait à mesure que l'on avançait. Catherine avait décidé de marcher toute la nuit puis de chercher un abri pour dormir un peu. Le grand problème, c'était la nourriture. Comment manger dans ce pays dévasté ?
L'argent même que lui avait remis Sara servirait-il à quelque chose ? Mais, pensait-elle sagement, à chaque heure suffisait son problème. Catherine décida que, pour le moment, la chose la plus urgente était de mettre le plus de distance possible entre elle et les griffes de Fortépice. Tout le reste de la nuit, elle marcha, guidée plus par son instinct que par des données certaines, traversant bois et champs coupés de loin en loin d'étangs, s'efforçant de garder sa direction. Au lever du jour, elle vit, de l'orée d'un bois, un gros bourg dont les toits en dents de scie se dégageaient lentement de la brume matinale. Un fort château les dominait, vigoureux et visiblement bien entretenu. Catherine hésita un moment avant de s'avancer dans cette direction. Pour elle, maintenant, un château fort signifiait danger et elle n'avait aucune envie de retomber dans d'autres mains avides de rançons princières. Pourtant, elle avait faim après cette longue route et il lui fallait trouver du pain. La bourgade semblait bien défendue, encore riche... Un paysan apparut, à cet instant, débouchant d'un chemin de terre, une hache sur l'épaule. Il semblait débonnaire, elle s'en approcha :
— Ce bourg ? demanda-t-elle. Qu'est-ce que c'est ?
L'homme la regarda avec étonnement. Elle comprit qu'elle devait être étrange avec sa robe de velours déchirée, son surcot en mauvais état. Le paysans, lui, était pauvrement vêtu mais ses habits de grosse toile étaient propres.
— D'où viens-tu donc ? fit-il lentement. Ce bourg, c'est Toucy et le château que tu vois est celui de l'évêque d'Auxerre. C'est là que tu vas ?
Elle fit signe que non, ajouta :
— Je veux seulement me procurer du pain. J'ai faim et j'ai un long chemin à faire...
L'homme hésita un instant. Catherine sentait que son regard la jaugeait, tâchait de deviner quel genre de femme elle pouvait être. Mais ce regard était direct, net. Elle décida de lui faire confiance.
— J'étais prisonnière au château de Coulanges, dit-elle très vite. J'ai pu m'enfuir. Je vais à Orléans...
Elle avait à peine fini de parler que l'homme la prenait par la main et l'entraînait.
— Viens, fit-il... Suis-moi sans crainte !
Il l'emmena dans la direction d'où il venait, à grands pas rapides. Au tournant du bois, Catherine vit fumer la cheminée d'une chaumière brune, si basse qu'elle semblait une excroissance de la glèbe sombre qui la portait.
L'homme marchait de plus en plus vite, comme s'il avait hâte d'arriver. Il poussa la porte de grosses planches. Une jeune fille blonde,
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