Il suffit d'un Amour Tome 2
penchée sur une marmite, devant l'âtre, se redressa, interdite, en voyant la nouvelle venue.
— Magdeleine, fit l'homme. Je viens de trouver celle-ci qui venait du bois. Elle s'est sauvée de chez Fortépice. Elle a faim... Alors, je l'ai amenée !
— Tu as bien fait !
Sans rien dire de plus, la jeune fille avançait un escabeau, tirait une écuelle d'un coffre, l'emplissait
de soupe aux raves puis tranchait une grosse part d'un pain brun et croûteux.
Elle poussa le tout vers Catherine.
— Mangez, dit-elle simplement... puis vous dormirez "Un peu. Ne parlez pas. Vous devez être lasse...
La simplicité de l'accueil, sa générosité, firent monter les larmes aux yeux de Catherine. Elle dévisagea la jeune fille. Magdeleine avait un visage rond et frais, plein de bonté.
— Vous ne savez même pas qui je suis... et vous m'ouvrez votre porte.
— Tu sors de chez Fortépice, fit l'homme d'une voix tremblante d'une colère rentrée. Tu vas à Orléans. Ça nous suffit ! Mange et dors !...
Catherine était trop lasse, trop affamée pour discuter. Elle balbutia un remerciement, mangea sa soupe, son pain, puis s'étendit avec reconnaissance sur la paillasse disposée dans un coin qui devait être le lit de Magdeleine.
Elle s'endormit aussitôt.
Quand elle s'éveilla, le jour déclinait. Le paysan était rentré et, assis devant le feu, il taillait une branche de chêne avec un couteau. Catherine vit qu'il façonnait une petite statuette de la Vierge. Auprès de lui, la jeune fille tartinait quelque chose sur du pain. La voyant éveillée, elle sourit à Catherine.
— Vous vous sentez mieux ?
— Oui. Merci. Vous avez été si bons !... Maintenant, je vais repartir.
L'homme leva la tête de sur son ouvrage, la regarda avec cette attention qui l'avait frappée, le matin même.
— Pourquoi tiens-tu tellement à voyager de nuit ? Tu te caches ?
— Pierre, reprocha la jeune fille, tu ne dois pas la questionner !
— Cela n'a pas d'importance, fit Catherine. Je ne me cache pas, simplement je veux éviter de retomber aux mains de Fortépice.
— Ici, tu n'en as plus rien à craindre ! Il vaut mieux voyager de jour, surtout si tu ne connais pas la région. Tu sais le chemin d'Orléans ?
Catherine secoua négativement la tête. Pierre posa sa statue et son couteau puis s'approcha d'elle.
— D'ici c'est facile. L'ancienne voie romaine est aisée à suivre jusqu'à Gien. Ensuite, il y a la Loire. Il suffit alors de laisser le courant de la rivière te guider. Que vas-tu faire à Orléans ?
— Pierre ! fit encore Magdeleine. Sa vie ne t'appartient pas !
Mais Catherine lui sourit gentiment.
— Il n'y a pas de secret, ni d'offense. Je vais rejoindre celui que j'aime. Il est enfermé dans la ville.
Magdeleine cessa de préparer le souper et vint à Catherine dont elle entoura la taille d'un bras.
— Viens t'asseoir, fit-elle abandonnant le vouvoiement. Si tu aimes l'un de ceux qui défendent la cité de Monseigneur Charles1, tu es ma sœur. Colin, mon promis, est des archers du Bâtard, son frère. Dis-moi seulement comment s'appelle le tien.
— Arnaud, fit Catherine, omettant volontairement le reste du nom.
Il valait mieux que la gentille Magdeleine la crût, comme elle, une simple fille amoureuse d'un archer. Un nom noble l'eût effrayée, mise en défiance peut- être. Il était difficile de croire à l'aventure d'une femme noble, riche, courant à travers bois, retrouver un capitaine ! Elle ajouta :
— Je m'appelle Catherine...
— Tu es plus que jamais la bienvenue, dit Pierre cordialement. Reste encore cette nuit ! Tu partiras à l'aube. Je te mènerai jusqu'à la vieille route romaine.
1. Charles d'Orléans, prisonnier à Londres.
Longtemps, Catherine devait se souvenir de la soirée passée dans l'humble chaumière du frère et de la sœur. Leur gentillesse, leur simplicité étaient réconfortantes. Après les épreuves qu'elle venait de subir, avant celles qui l'attendaient encore, c'était une halte bienfaisante. Après le souper, on ne prolongea pas la veillée pour ne pas user trop de chandelle. Catherine partagea la paillasse de Magdeleine. Pierre avait la sienne dans un réduit attenant à l'unique pièce de la maisonnette. Et, bien qu'elle eût déjà dormi toute la journée, Catherine n'en reprit pas moins vigoureusement son sommeil. Ses mains écorchées lui faisaient moins mal. Magdeleine les avait enduites de graisse de porc et bandées avec de la vieille toile.
À
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