Il suffit d'un Amour Tome 2
quelque chose d'absurde et d'inimaginable ? Arnaud était aussi indestructible que la terre elle-même !...
Et d'ailleurs, Jehanne n'était-elle pas là ? Mais... Xaintrailles avait dit quelque chose au sujet de Jehanne ? Ah oui !... Qu'elle était prisonnière.
Prisonnière, la Pucelle ? Une autre absurdité ! Qui pouvait emprisonner l'envoyée du Seigneur ?
— Catherine ! s'impatienta Xaintrailles d'une voix rude. Il faut rentrer, vous préparer. Le temps presse !
Elle hocha la tête. Bien sûr, il fallait faire vite ! très vite ! Il n'y avait plus une minute à perdre. Elle tourna la tête de son cheval en direction du palais dont les toits d'ardoise s'incendiaient sous les derniers rayons rouges du soleil. Le ciel, tout là-haut, devenait sombre.
— Je vous suis, dit-elle simplement.
Une heure plus tard, Catherine, Sara et Xaintrailles quittaient Bourges tout juste avant la fermeture des portes. Un passage aux étuves, des vêtements frais et un repas solide avaient effacé, comme par enchantement, la fatigue du corps robuste du capitaine auvergnat. Mais son visage débarrassé du voile de poussière gardait sa tension tragique. Il chevauchait les dents serrées, la colère au fond de ses yeux bruns. Aux nouvelles qu'il apportait, il avait pensé, dans son honnêteté naïve, qu'une vague d'inquiétude et de crainte s'abattrait sur la Cour. Or, tandis que les trois cavaliers se dirigeaient, la mort dans l'âme, vers la porte Nord de l'enceinte, les sons joyeux des luths et des violes les accompagnèrent longtemps comme une dérision. Le roi et son indispensable La Trémoille étaient arrivés inopinément, venant de chasser. On avait improvisé un souper et des danses...
— Ils dansent, grommela Xaintrailles furieux avec un regard meurtrier aux fenêtres illuminées du palais. Ils dansent tandis que d'autres meurent et que le salut du royaume est en danger. Que le Diable les emporte !...
Seule, Yolande d'Aragon, depuis deux jours auprès de sa fille, s'était trouvée là au moment du départ. Sans un mot, elle avait mis dans la main de Xaintrailles une lourde bourse puis, comme le capitaine s'étonnait, elle avait dit, simplement :
— Faites l'impossible !
Ensuite, elle était partie sans se retourner tandis qu'ils s'éloignaient.
Durant des heures, protégés par la nuit profonde, les trois voyageurs chevauchèrent sans échanger un mot. Xaintrailles remâchait sa fureur et Catherine se perdait dans son angoisse. Elle et Sara avaient revêtu à nouveau le costume masculin, plus pratique pour une longue chevauchée, mais, au troussequin de sa selle, Catherine portait un lourd coffret dans lequel, mue par une impulsion irraisonnée, elle avait mis une forte somme en or et quelques-uns de ses bijoux les plus précieux, dont le fameux diamant noir de Garin dont elle n'avait jamais eu le courage de se séparer. En guerre, l'or est une arme puissante et Catherine avait appris à estimer cette puissance.
En quelques mots rapides, Xaintrailles lui avait appris ce qui s'était passé sous les murs de Compiègne, le 24 mai. Comment Jehanne, au cours d'une sortie sur le camp de La Venette, s'était laissé entraîner puis se trouvant en face du gros de l'armée de Jean de Luxembourg avait voulu battre en retraite vers Compiègne. Mais, quand elle avait atteint les portes de Compiègne, la herse était baissée et le pont relevé. Elle avait été prise avec Jean d'Aulon, son écuyer...
— Qui avait donné l'ordre de relever le pont ? demanda Catherine.
— Guillaume de Flavy ! Ce pourceau... ce traître ! C'est en voulant l'obliger à baisser le pont qu'Arnaud a été blessé. Il n'avait pas participé à la sortie, sur l'ordre exprès de Jehanne qui l'avait chargé d'inspecter les réserves. Il ne portait pas l'armure quand il a sauté sur Flavy, l'épée à la main. Les deux hommes se sont battus et Flavy a eu le dessus. Arnaud est tombé, percé d'outre en outre. Il avait eu le temps de voir Lionel de Vendôme... ce misérable à qui Arnaud a commis la sottise de laisser la vie à Arras, tirer Jehanne par ses hucques de velours pour la faire tomber de cheval. Depuis, la fièvre, le délire et la fureur se partagent son âme...
C'était à tout cela que Catherine songeait tout en éperonnant son cheval.
Le vent de la course lui fouettait le visage et lui faisait du bien. Elle ne sentait ni la fatigue, ni la faim, ni la soif et ne faisait plus qu'un avec la bête solide qui la portait, talonnée
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