Il suffit d'un Amour Tome 2
la pauvre Sara à demi morte le même service.
Arnaud est à l'abbaye Saint Corneille où les religieux le soignent de leur mieux, chuchota-t-il. Pour Dieu, n'oubliez pas que vous êtes un garçon ! Les bénédictins sont sévères sur le chapitre des femmes. Et tâchez de faire entendre raison à votre suivante, si elle peut encore entendre quelque chose.
Bientôt, la haute ogive de pierre du portail abbatial se découpa dans la grisaille du jour levant. Xaintrailles se pendit à la cloche du tour et parlementa un instant avec le frère portier dont le visage méfiant était apparu derrière le grillage du guichet.
— Grâce à Dieu, soupira-t-il pour Catherine tandis que le moine faisait ouvrir la porte, Arnaud vit encore ! Il dort à ce qu'il paraît...
Tout en suivant Xaintrailles sous les arcades du cloître, Catherine adressa, du fond de son cœur, une ardente action de grâces à celui qui l'avait exaucée en permettant qu'elle revît Arnaud vivant. La vie, le courage lui revenaient.
Peut-être que tout n'était pas perdu, peut-être qu'il vivrait... et peut-être que le bonheur était pour demain.
Sur la couchette d'une cellule, Arnaud reposait, couché sur le dos, les yeux clos. Un moine veillait à son chevet, assis sur un escabeau, un chapelet aux doigts. Une chandelle de cire jaune, brûlant dans un chandelier de fer brut posé sur une table, éclairait seule la scène. A l'exception d'un crucifix au mur et d'un missel sur une planche, c'était tout l'ameublement de l'étroite pièce dans laquelle entrèrent Xaintrailles et Catherine. En les voyant paraître, le moine se leva.
— Comment va-t-il ? chuchota Xaintrailles.
Le religieux eut un geste vague et haussa les épaules.
Guère mieux ! Il souffre beaucoup mais il a retrouvé sa connaissance. Les nuits sont mauvaises. Il respire avec peine...
En effet, un bruit de soufflet de forge s'échappait de la poitrine haletante du blessé. Il était d'une pâleur de cire et deux plis profonds, ombrés de gris, se creusaient des ailes du nez aux commissures des lèvres. Ses mains, crispées sur le drap, allaient et venaient tragiquement. Catherine, bouleversée, incapable d'articuler un mot, se laissa glisser à genoux auprès du lit et d'un doigt léger, repoussa une mèche noire, collée au front par la sueur. Elle entendit Xaintrailles renseigner le moine.
— C'est la personne qu'il m'avait demandé de chercher. Voulez-vous nous laisser un moment, mon père ?
Sans se retourner, Catherine entendit le claquement léger des sandales sur la pierre du sol. La porte grinça en se renfermant. Arnaud ouvrit les yeux. Son regard, vague d'abord, joignit son ami, debout aux pieds du lit, puis se fit plus net.
— Jean !... fit-il dans un souffle. Te revoilà ? Est- ce que...
— Oui, murmura Xaintrailles. Elle est là ! Regarde...
Une intense expression de joie s'étendit sur le visage ravagé d'Arnaud.
Péniblement, il tourna la tête, vit Catherine qui se penchait vers lui.
— Vous êtes venue... Merci !
— Ne me remerciez pas, balbutia la jeune femme d'une voix si enrouée qu'elle ne la reconnut pas. Vous saviez bien que je viendrais. Pour vous, Arnaud, j'irais au bout du monde et...
— Il ne s'agit pas de... moi ! Je... meurs, mais... 1 d'autres vivent !
La joie qui, un instant, avait illuminé le visage du jeune homme s'était éteinte, comme effacée. Il détournait déjà les yeux et ses traits reprenaient leur immobilité sinistre. Seule, la bouche remuait mais la voix qui en sortait était si faible, que Catherine dut se pencher davantage pour mieux entendre.
— Écoutez... car j'ai peu de forces. Philippe... de Bourgogne tient Jehanne ! Elle est... prisonnière de Jean de Luxembourg, donc de lui. Il faut... que vous alliez vers lui... à son camp... et que vous obteniez la libération de Jehanne.
Atterrée, Catherine crut avoir mal entendu.
— Que j'aille chez le duc ? Moi ? Arnaud... vous ne pouvez pas vouloir cela ?
— Si... il le faut ! Vous seule pouvez... gagner cette bataille. Il vous aime!
— Non !... C'était presque un cri qui avait franchi les lèvres de Catherine.
— Honteuse, elle baissa le ton, reprit plus doucement : — Non, Arnaud... ne croyez pas cela ! Il ne m'aime plus. Son orgueil est immense et il ne m'a pas pardonné ma fuite. Mes terres ont été saisies par son ordre... je suis proscrite.
De plus, il est marié, je crois... et ne se soucie plus de moi.
Une brusque colère crispa la figure
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