Il suffit d'un Amour Tome 2
Catherine ?
— Oui ?
Il grimaça un sourire et l'assaisonna d'une contrition comique :
— Nous ne valons pas cher, Montsalvy et moi. Je crois bien qu'aucun de nous n'a songé à vous dire merci !
Elle lui rendit son sourire, contente de lire tant d'amitié vraie dans le regard brun du compagnon d'Arnaud. Désormais, elle le sentait, elle pourrait compter entièrement sur Xaintrailles qui la soutiendrait de tout son pouvoir.
Une amitié sans prix, en vérité.
— C'est inutile, fit-elle gentiment. Moi, je vous dois bien plus !
Un charroi qui passait les sépara. Des hommes de la milice bourgeoise traînaient, dans des charrettes, des boulets de pierre destinés aux bombardes, des fagots et des jarres d'huile qu'ils allaient monter sur le rempart. Déjà du côté de la rivière on entendait tonner les canons anglais et bourguignons. La mati née arrivait en son milieu et l'ennemi décidait, sans doute, de passer à l'attaque. Mais, tandis que les hommes couraient aux murailles, les femmes continuaient tranquillement à s'occuper de leur ménage comme si de rien n'était, habituées au tintamarre et à l'agitation de la guêtre. Tout à l'heure, elles iraient rejoindre leurs hommes avec ce qu'il fallait pour panser les blessés : le vin et l'huile pour laver les plaies, le linge déchiré pour les bandes et les linceuls pour ensevelir les morts. Catherine décida de se joindre à elles puisqu'elle n'avait rien de mieux à faire. Elle rentra chez elle, mettre la cassette en lieu sûr, et changer ses vêtements d'homme pour une robe de futaine bleue que Sara lui avait procurée, puis, comme les autres, prit le chemin du rempart.
Une fois engagée, la guérison d'Arnaud fit des progrès extraordinairement rapides, due en grande partie à la constitution vigoureuse du capitaine.
Quand vint l'été, il put quitter enfin son lit au couvent Saint-Corneille et, dans les premiers jours d'août, reprendre sa place parmi les défenseurs de la ville. Car Compiègne tenait toujours, avec tant d'opiniâtreté que Philippe de Bourgogne, découragé et rappelé de surcroît à Liège par de graves perturbations, était parti, laissant l'armée à Jean de Luxembourg.
Contrairement à ce qu'avait craint Xaintrailles au moment de la capture plus que suspecte de Jehanne, Guillaume de Flavy poursuivait la défense de la ville avec un courage et une opiniâtreté remarquables. Le bruit courait parmi les capitaines qu'en relevant trop vite le pont-levis, le gros Flavy avait seulement assouvi la haine que portait à la Pucelle le chancelier archevêque de Reims Regnault de Chartres, son parent. Un service rendu entre cousins en quelque sorte...
Malheureusement, la situation empirait. L'investissement de Compiègne, malgré la forêt, était désormais total. Luxembourg tenait Royal-Lieu et la route de Verberie tandis qu'une grosse bastille, confiée aux sires de Créqui et de Brimeu, avait été bâtie sur le chemin de Pierrefonds, à l'orée de la forêt.
Les vivres devenaient rares, les convois ne pouvaient plus passer. Les communications avec le reste du pays n'étaient plus établies que par quelques hommes courageux qui, à la faveur de la nuit, parvenaient à quitter subrepticement la ville ou à y rentrer.
Catherine passait toutes ses journées auprès des murailles, à une sorte de poste de secours pour les blessés qui avait été établi par les dames de la ville.
Elle et Sara s'y rendaient chaque fois qu'une attaque s'annonçait et y travaillaient jusqu'aux extrêmes limites de leurs forces. La nuit, éreintées, elles s'écroulaient sur leurs lits et dormaient comme des souches malgré la faim qui venait et la chaleur.
L'été arrivait à son point le plus chaud et ajoutait aux souffrances des défenseurs de la ville. Les mouches, par épais nuages noirs, harcelaient les soldats et martyrisaient les blessés. Certains cas de peste s'étaient déclarés et, pour éviter la propagation du fléau, on murait les maisons contaminées, on brûlait les cadavres. Le peu de vivres que l'on pouvait se procurer encore ne se conservaient pas. Seule l'eau, grâce à la rivière, ne manquait pas mais il fallait aller la puiser de nuit pour ne pas tomber sous le feu de l'ennemi. Mais ce n'étaient pas les peines physiques qui atteignaient le plus cruellement Catherine. Chaque jour, habillée en garçon et sous la conduite de Xaintrailles, elle s'était rendue au couvent Saint- Corneille et, chaque jour, elle en sortait un peu
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