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Il suffit d'un Amour Tome 2

Il suffit d'un Amour Tome 2

Titel: Il suffit d'un Amour Tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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éventualités pouvaient se présenter : ou bien Jehanne s'en remettait au jugement de l'Église et serait confiée à des nonnes, ou bien elle refusait et serait donnée au bourreau. Dans l'un et l'autre cas, Catherine devait à ce moment précis entrer en convulsions, jouant la femme hystérique, et Nicole, sous couleur de lui porter secours, devait accroître la confusion dans le cimetière. D'autre part, Jean Son, posté dans le beffroi de la ville d'où il pouvait voir et surtout entendre les hurlements stridents que les deux femmes avaient mission de pousser, mettrait en branle, au même moment, les deux cloches d'alarme, Rouvel et Cache-Ribaud dont la voix formidable avait toujours, au cours des siècles, appelé les gens de Rouen à la défense ou à la révolte. Ce tocsin inattendu achèverait de créer un tumulte et une agitation suffisants pour permettre à Arnaud, avec l'aide de frère Isambert qui n'était jamais loin de Jehanne, d'arracher la prisonnière à ses gardes et de la jeter dans l'église. Avec un homme comme Cauchon, le droit d'asile ne jouerait sans doute guère mais il suffirait de gagner deux ou trois minutes sur les poursuivants pour que la dalle se fût refermée sur Jehanne.
    Avant que les Anglais aient trouvé le point de la fuite, la Pucelle et ses sauveteurs seraient dans la campagne et rejoindraient, après la chute du jour, La Hire qui s'avancerait avec un détachement aussi près que possible de la ville. Revenue de son malaise apparent, il serait facile à Catherine de rejoindre peu après les fugitifs...

    Le public emplissait maintenant le cimetière, et le calvaire auquel s'appuyait Catherine était battu par une mer humaine qu'heureusement elle dominait sans peine. Là-bas, près des tribunes, une vague d'acier hérissée de piques signala un détachement de soldats, puis la tribune des juges s'emplit de robes noires et blanches sur lesquelles tranchait le violet pourpre de l'évêque. De loin, il parut énorme à Catherine, ses grasses épaules réchauffées, malgré la douceur du temps, d'un camail d'hermine sur lequel tranchait grotesquement l'écarlate de son visage. Haut dans le ciel, traversé du vol noir et blanc des hirondelles, le tintement du glas tomba lourdement de la tour ciselée de l'église. Catherine, le cœur étreint d'une soudaine angoisse, vit arriver le bourreau et ses aides puis, encadrée de soldats, une mince silhouette vêtue de noir.
    Quand Jehanne apparut sur l'échafaud qui lui était réservé, un long murmure traversa la foule, murmure où entrait beaucoup de pitié.
    —Qu'elle est jeunette et maigre ! chuchotait une femme.
    — Pauvrette, reprenait un vieillard à barbe blanche, ils ont dû lui en faire voir dans sa prison, ces maudits Godons que Dieu damne !
    — Chut !... faisait à son tour une jeune fille. Si l'on vous entendait...
    Bientôt, d'ailleurs, tout le monde se tut. Un homme en robe noire s'était placé debout auprès de Jehanne agenouillée, un parchemin ceinturé de rouge entre les doigts. Quelqu'un, derrière Catherine, chuchota avec un respect craintif.
    — C'est maître Guillaume Erard, de la Sorbonne. Il va prêcher.
    De fait, le docteur en robe noire commençait d'une voix à la fois sonore et onctueuse un long et emphatique sermon qui avait pour thème : « Le rameau ne peut produire du fruit s'il n'est demeuré à la vigne... » Mais Catherine n'écoutait pas. Elle regardait Jehanne, effrayée de la trouver si pâle, et si maigre. La Pucelle flottait littéralement dans son costume d'homme en serge noire. Ses cheveux allongés encadraient un visage si creusé que les limpides ; yeux bleus semblaient en avoir dévoré toute la substance. Mais son courage paraissait entier.
    Au bas de sa tribune, juste derrière le cordon de troupes, Catherine pouvait voir une tache vert foncé : le chaperon d'Arnaud dont, dans sa propre chair, elle éprouvait toute la tension nerveuse. Tout à l'heure, de sa force et de sa rapidité dépendraient le salut de Jehanne et le sien propre. Arnaud allait jouer sa vie, quand il se lancerait pour s'emparer de la prisonnière. Ni lui ni Catherine ne l'ignoraient et, quand ils s'étaient séparés, au matin de ce jour, le jeune homme s'était, pour une fois, départi de son masque glacé... oh, un tout petit instant ! Il avait pris la main de Catherine, usée et abîmée par les lessives, et l'avait appuyée vivement contre ses lèvres.
    — Ne m'oubliez pas tout à fait, si je meurs... avait-il

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