Il suffit d'un Amour Tome 2
loin et nous ignorons si d'autres hommes ne veillent pas en bas. Dans la charrette, ils étaient deux hommes.
L'un était Fagot, l'autre lui ressemblait... Je peux rester une journée de plus.
Le plus dur, c'est le froid...
Elle claquait des dents. Le feu était éteint et la nuit de février était loin d'être clémente. Le reflet pâle qui venait de la fenêtre disait assez qu'il devait y avoir de la neige au-dehors.
— Attends, fit Landry.
Vivement, il déboucla sa ceinture, ôta la veste de cuir épais qu'il portait sur son pourpoint, la jeta, toute chaude encore, sur les épaules tremblantes de Catherine qui s'y blottit avec délices.
— Avec ça, tu auras moins froid ! Il te suffira de la cacher dans la paille quand tu entendras entrer ton geôlier.
— Mais toi... tu vas geler ?
Le sourire de Landry rendit d'un seul coup à Catherine le bon compagnon d'autrefois, celui qui n'était jamais à court d'inventions et avec qui il faisait si bon courir les rues de Paris !
— Moi, je suis en parfait état, je ne suis pas une pauvre petite fille affamée, gelée...
— ... et enceinte, compléta Catherine.
Le mot pétrifia Landry. Catherine ne pouvait le voir dans cette obscurité qui les enveloppait tous deux, mais à son souffle plus court, elle sentit ce qui se passait en lui.
— De qui ? demanda-t-il la voix brève.
— De qui veux-tu que ce soit ? De Philippe, bien sûr !... Garin n'est qu'un mari postiche. Il ne m'a jamais touchée.
Le soupir que poussa Landry fit un bruit de soufflet de forge.
— J'aime mieux ça ! Et je commence à comprendre. C'est parce que tu attends cet enfant, n'est- ce pas, qu'il t'a conduite ici ? Son orgueil n'a pas pu en supporter davantage ? Alors, raison de plus pour t'arracher à lui. Demain, à la nuit tombée, je reviendrai avec ce qu'il faut pour te délivrer. La seule chose que je te demande, c'est d'éteindre ton feu, si ton gardien t'en allume un. J'ai cru étouffer dans la fumée en descendant.
— Entendu. A la tombée du jour j'éteindrai le feu.
— Parfait. Maintenant, prends ça... Au moins, tu auras quelque chose pour te défendre.
Catherine sentit qu'il lui glissait dans la main quelque chose de froid... une dague. Se souvenant que c'était la seule arme de Landry, elle voulut refuser.
— Mais toi ? Si tu rencontres Fagot ?
Le rire de Landry était décidément très réconfortant.
— J'ai mes poings... et je ne peux supporter l'idée de te savoir sans défense aux mains de cette brute. Va te coucher, maintenant. Je repars. Dors le plus que tu pourras pour être aussi forte que possible. D'ailleurs, je t'apporterai quelque chose à manger...
Catherine sentit les mains de Landry tâtonner sur ses épaules. Elles s'y appuyèrent un instant. Un baiser se posa sur son front.
— Courage ! souffla Landry... À demain !
Elle l'entendit marcher vers la cheminée, piétiner les brindilles craquantes et jurer sourdement tandis qu'il cherchait le bout de la corde qu'il avait laissée pendre dans le conduit de fumée. Ensuite, il y eut l'espèce de gémissement qu'il poussa dans son effort pour s'enlever à la force des poignets, la chute molle de la suie arrachée par son passage, puis plus rien... Une fois encore Catherine se retrouvait livrée à la nuit, au froid... à la solitude. Elle se pelotonna de son mieux dans l'épaisse casaque du jeune homme ramenant la paille tout autour d'elle, et voulut essayer de dormir. Mais le lourd sommeil qui l'avait envahie au moment de l'arrivée de son ami paraissait enfui bien loin. Catherine ne pouvait même pas clore les paupières. L'espoir, en revenant à elle, avait causé en même temps un invincible énervement. Les heures qui la séparaient du retour de Landry lui semblaient monstrueusement longues... une éternité de minutes, de secondes. Et, chose encore plus étrange, la peur revint du même coup.
L'imagination en mouvement de Catherine se mit à trotter comme une folle. La somme de périls courus par le jeune homme lui parut énorme et son cerveau surchauffé s'en exagéra la gravité. Il pouvait tomber dans sa périlleuse descente, rencontrer l'énorme Fagot, d'autres hommes peut-être...
Toute sa vie à elle, tout son espoir étaient suspendus à cette unique existence d'un homme jeune et courageux, mais qui pouvait trouver plus fort que lui.
Si Landry périssait, soit en sortant, soit en revenant le lendemain, nul ne saurait ce qu'il était advenu d'elle. Catherine serait livrée, sans
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