Il suffit d'un Amour Tome 2
créneau, aperçut l'abbé et sourit.
— Alors, seigneur abbé ? Quelle est ta réponse ? demanda-t-il calmement. Vas-tu me rendre ma femme ou bien préfères-tu le combat ?
Comme tu vois, nous avons pris quelques précautions utiles !
Jean de Blaisy allait répondre mais Catherine le devança. Elle se glissa entre l'abbé et le créneau et s'écria :
— Pour l'amour de Dieu, Garin, cessez ce jeu cruel ! N'êtes-vous pas las de verser le sang ? Pourquoi des innocents devraient-ils périr à cause de nos querelles ? Est-ce que vous ne sentez pas combien tout cela est injuste, odieux !
— Je me demandais, riposta Garin avec un sourire sarcastique, combien de temps vous mettriez à vous montrer. Si quelqu'un est à blâmer dans cette affaire, c'est vous et non pas moi. Je suis votre mari, vous devez me suivre au lieu de fuir devant moi...
— Vous savez parfaitement pourquoi je l'ai fait, vous savez qu'il me fallait sauver ma vie, celle de mon enfant et ma liberté aussi. Si vous ne m'aviez traitée avec cette cruauté, jamais je ne serais partie- Mais tout peut encore se réparer. Je ne vous demande rien pour moi. Mais pouvez-vous me donner votre parole que, si je vous rejoins, vous épargnerez ce bourg et ce monastère ?
Avant que Garin ait pu répondre, le Bègue s'était avancé.
— Sortez d'abord, lança-t-il goguenard. On verra ensuite à discuter... Je n'aime pas beaucoup que l'on me dérange pour rien...
L'abbé tira Catherine en arrière avec autorité.
— Vous perdez votre temps et vos peines, dit-il.
Ils désirent nous attaquer et vous péririez sans sauver personne. Ne l'avez-vous pas compris ?...
Désespérée, Catherine se tourna vers Ermengarde et vit avec surprise qu'elle souriait béatement. La comtesse n'avait pas l'air d'être présente à la scène qui se déroulait devant elle. La tête levée, l'air ravi, elle écoutait...
— Oh, Ermengarde, reprocha Catherine douloureusement, comment pouvez-vous sourire quand des hommes vont mourir ?
— Écoutez ! fit Ermengarde sans répondre. Est- ce que vous n'entendez rien ?
Instinctivement, Catherine tendit l'oreille. Un bruit sourd, lointain encore, roulait doucement sur le plateau. Il fallait une ouïe fine pour le saisir, mais Catherine le perçut nettement.
— Je n'entends rien ! fit l'abbé à mi-voix.
— Moi si ! Gagnez du temps, cousin, parlementez le plus longtemps possible !
Sans chercher à comprendre, l'abbé obéit. S'avançant au créneau, il se mit à adjurer les routiers d'épargner un village innocent et la demeure du Seigneur. Mais ils l'écoutaient avec impatience et Catherine comprit que la parole ne retiendrait plus longtemps ces hommes avides de sang et de pillage.
Une voix furieuse vint d'en bas. Celle du Bègue de Pérouges.
— Assez de patenôtres ! Nous ne sommes pas au prêche ! Vous ne voulez pas lâcher la donzelle, nous attaquons...
Le cri d'horreur de Catherine en voyant une torche tomber dans un tas de paille qui s'enflamma aussitôt fut couvert par un autre cri, de triomphe celui-là, poussé par Ermengarde.
— Regardez ! s'écria-t-elle le bras tendu vers le haut de la côte où serpentait la route de Dijon. Nous sommes sauvés !
Son cri fit retourner tout le monde, même les routiers. Dévalant du rebord du plateau, une puissante troupe d'hommes d'armes se dirigeait vers Saint-Seine..Le soleil faisait briller les armures, les salades et les lances. En tête marchait un chevalier empanaché de plumes blanches, dont Catherine, défaillante de joie, reconnut les couleurs au pennon de la lance.
— Jacques !... Jacques de Roussay !... Et la garde ducale avec lui !
— Ils y ont mis le temps, bougonna Ermengarde derrière son dos.
Heureusement, encore, que j'avais eu la bonne idée de lui faire tenir la lettre de l'abbé, à cet étourdi ! J'avais le pressentiment que quelque chose irait mal...
Dès lors, délivrés de leur angoisse, les occupants de la muraille purent suivre le déroulement des opérations. Le Bègue de Pérouges était brave, c'était une justice à lui rendre. Il ne songea même pas à tourner bride devant le secours, imposant cependant, qui arrivait à ses ennemis. Ses hommes firent volte-face, se rangèrent en bataille. Catherine vit Garin faire comme eux, tirer son épée. Elle ne put se retenir de crier.
— Ne vous battez pas, Garin ! Si vous tirez l'épée contre les gardes de Monseigneur, vous êtes perdu !
Elle ne comprenait pas elle-même quelle obscure pitié
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