Il suffit d'un Amour Tome 2
accepté. C'est un homme selon mon cœur. Il me sera doux de lui obéir.
— Tu veux te faire moine ? Toi ?
La foudre tombant d'un ciel sans nuages n'aurait pas plongé Catherine dans une telle stupeur. Landry, le joyeux Landry sous la bure des bénédictins ! Landry, tonsuré, agenouillé jour et nuit sur les dalles froides d'une chapelle, servant les pauvres et travaillant la terre, lui qui aimait tant le cabaret, les filles et la ripaille ! Lui qui se moquait de Loyse, jadis, quand elle parlait d'entrer au couvent !
— C'est drôle, hein ? reprit le jeune homme avec un pâle sourire devant le silence atterré de Catherine. Mais c'est la seule vie que je désire. Vois-tu...
j'aimais Pâquerette et je crois qu'elle m'aimait vraiment, elle aussi. J'espérais bien, un jour, arriver à la sortir de ses bêtises, lui ôter de la tête ses idées de sorcellerie, en faire une brave femme, une bonne ménagère avec plein de gosses autour de nous, l'enlever à ce pays maudit. Elle était bizarre mais je crois que nous nous comprenions. Alors, maintenant qu'elle n'est plus là...
Le geste las, désenchanté, du jeune homme accabla Catherine sous le poids d'un écrasant remords. Elle eut honte, tout d'un coup, d'être vivante après tant de douleurs. Sa vie à elle, cette vie sans utilité, valait-elle la peine de répandre tant de sang ? Elle baissa la tête.
— C'est ma faute ! dit-elle douloureusement. C'est à cause de moi qu'elle est morte. Oh, Landry, j'aurai fait ton malheur, à toi ?
— Non. Tu n'as aucun reproche à te faire. Pâquerette a scellé elle-même son destin. Si elle n'avait pas commis, par jalousie, ce crime impardonnable de prévenir Garin, rien ne serait arrivé. Il était juste qu'elle fût punie... Mais pas de cette manière atroce ! Et maintenant qu'elle n'est plus là, moi, je n'ai plus
envie de rien, sinon de paix et de solitude. Toi, tu as encore un long et beau chemin devant toi...
Les larmes qui coulaient sur les joues de Catherine cessèrent brusquement.
— Tu crois ? lança-t-elle avec violence. Que penses-tu que j'aie encore à espérer ? Mon mari va mourir, je vais être ruinée, à cause de moi tu vas t'enterrer au fond d'un cloître. L'homme que j'aime me méprise. Je porte malheur, je suis maudite, maudite... Il faut se détourner de moi...
La crise de nerfs était proche. Ermengarde s'en aperçut, éloigna Landry d'un geste rapide et obligea Catherine secouée de frissons à monter dans la litière.
— Allons, mon petit, ne vous tourmentez pas comme cela ! Ce garçon est sous le coup d'un chagrin. Mais il est jeune et les vœux définitifs ne sont pas pour demain ; il peut changer d'avis, reprendre goût à l'existence. Faites confiance au cousin Jean pour cela : si ce garçon n'a pas une vraie vocation, il saura bien le lui faire comprendre plus tard.
Ces sages paroles produisirent un effet calmant sur Catherine. Ermengarde avait raison. Landry ne resterait peut-être pas toute sa vie au couvent. Pour le moment, il y trouverait le meilleur repos, le grand silence où les âmes se retrouvent, décantent leur lie et leur fiel. Elle se laissa emmener sans autre résistance. Le grand portail de l'abbaye s'ouvrit devant la litière qu'escortaient Sara, juchée sur un mulet prêté par l'abbé, et quelques hommes joints par Jacques de Roussay à ceux qui appartenaient à Ermengarde. Bientôt dans le soleil déjà doux qui chauffait les tendres pousses de l'herbe nouvelle, le cortège des deux femmes escalada la route du plateau. Les toits de Saint-Seine brillèrent encore un instant sous les fumées légères de leurs cheminées puis tout disparut au tournant du chemin. Sur les échafaudages de la tour carrée, à l'église du couvent, les maçons avaient repris leur travail et sifflaient, déjà oublieux de la menace qui avait pesé un instant sur leurs foyers.
Le soir même, on entra à Dijon par la porte Guillaume. Mais, en passant devant le château de la ville, Catherine détourna la tête, prise d'un tremblement. C'était là que, la veille, Jacques de Roussay avait conduit son prisonnier. Garin était quelque part derrière ces murailles rébarbatives percées de rares meurtrières. Et Catherine ne pouvait s'empêcher de songer avec un mélange de tristesse et de colère que c'était le mariage voulu par Philippe qui avait mené là le Grand Argentier de Bourgogne.
Or, Catherine se trompait. Ce n'était pas dans le vieux bastion qui était censé garder le mur
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