Il suffit d'un Amour Tome 2
la poussait à se préoccuper du destin de celui qui avait voulu la réduire à néant. D'ailleurs, cette pitié était dépensée en pure perte. Garin ne répondit que par un dédaigneux haussement d'épaules, piqua des deux en direction des arrivants, suivi de toute la troupe.
Le combat fut acharné, mais bref. La supériorité numérique de Roussay était écrasante. Malgré les prodiges de valeur des routiers, qui se battaient en hommes qui savent n'avoir à attendre ni pitié ni merci, ils tombèrent l'un après l'autre sous les coups des hommes d'armes ducaux. Les spectateurs de l'abbaye virent le duel farouche que se livrèrent le Bègue de Pérouges et Jacques de Roussay, tandis que Garin se mesurait à un cavalier, armé comme les autres soldats, mais qui combattait tête nue. Catherine reconnut Landry...
En un quart d'heure tout fut réglé. Roussay blessa son adversaire qui roula à terre et, sans perdre une minute, le fit pendre au premier arbre venu.
Quelques minutes plus tard, Garin, écrasé sous le nombre, se rendait...
Tandis que les soldats de la garde s'activaient à dégager les portes des maisons, l'abbé ordonna d'ouvrir en grand le portail et descendit accueillir en personne le vainqueur. Catherine n'osa pas le suivre. Elle resta sur le chemin de ronde avec Ermengarde. Jacques de Roussay montait, seul, le casque sous le bras, vers l'abbaye. Plus loin, deux hommes d'armes faisaient remonter Garin sur son cheval après lui avoir attaché les mains derrière le dos... Le Grand Argentier se laissait faire passivement. Il paraissait se désintéresser de son sort et ne tourna même pas la tête vers le monastère. Cette attitude dédaigneuse déchaîna en Catherine une colère folle. Elle avait eu si peur, si mal, elle avait tant souffert et deux innocents avaient péri, mais cet homme ne paraissait pas se soucier du mal qu'il avait fait. Une haine violente monta de son cœur, emplit sa bouche d'un goût amer et la fit trembler. Sans Ermengarde qui se tenait auprès d'elle, immobile et silencieuse, elle se fût précipitée vers le prisonnier pour lui crier sa fureur et son mépris. Elle éprouvait une joie féroce à la pensée qu'il s'était condamné lui-même, qu'il allait bientôt périr de sa propre folie criminelle. Et, cette joie, elle aurait voulu la lui jeter au visage...
Le soir même, Jacques de Roussay repartait pour Dijon, emmenant son prisonnier. Garin appartenait désormais à la justice du prévôt de Bourgogne et devait être incarcéré sitôt arrivé sous l'inculpation de haute trahison, atteinte à la sûreté de l'État, sacrilège et tentative de meurtre sur la personne de sa propre épouse. Plus qu'il n'en fallait pour l'envoyer sans recours possible à l'échafaud ! Jacques de Roussay ne l'avait pas caché à Catherine au cours de la brève entrevue qu'il avait eue avec elle. En attaquant l'abbaye, Garin de Brazey avait considérablement aggravé son cas de plusieurs chefs d'accusation car, jusque-là, les ordres que Landry avait rapportés au capitaine de la garde portaient seulement d'assurer la sécurité de Catherine et d'enfermer Garin dans sa propre maison.
— Malheureusement, dit Jacques à Catherine, je ne peux vous autoriser à rentrer chez vous, Madame de Brazey. Votre mari devenant un prisonnier d'État, tous ses biens doivent être mis sous scellés. Sans doute... pourrez-vous rentrer chez votre mère ?
Elle viendra chez moi, intervint Ermengarde. Croyez-vous que je la laisserai se rendre à la merci de toutes les commères du quartier Notre-Dame ? On va être trop content, chez certains, de la chute du Grand Argentier. Dans une maison bourgeoise, je ne suis pas sûre que Catherine soit parfaitement garantie. Elle le sera chez moi !
Roussay n'avait rien à objecter. Il accorda à Catherine la permission de résider à l'hôtel de Châteauvillain. L'attitude du jeune capitaine était devenue étrangement distante envers la femme de Garin. En fait, il ne savait plus bien s'il avait affaire à l'épouse d'un criminel ou à l'amante de son maître. Il s'en ouvrit secrètement à Ermengarde.
— Je ne sais trop quel parti prendre, comtesse. Monseigneur Philippe m'a donné l'ordre d'assurer la sûreté de Madame de Brazey, d'empêcher son époux de lui nuire, mais il ignore tout des derniers événements. Il est toujours à Paris et je me demande comment il prendra la nouvelle de l'attaque de cette abbaye, lui si pieux ! Il sera indigné et je crains que sa
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