Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
Vom Netzwerk:
seule – fois de toutes nos
années ensemble, Cicéron ne traita aucune affaire officielle sur la route, et
se contenta de rester assis, le menton dans la main, à regarder défiler le
paysage. Terentia et lui se trouvaient dans une voiture, Quintus et Pomponia
dans une autre, se querellant sans cesse – à tel point que je vis
Cicéron prendre son frère à part et le supplier, au moins pour Atticus, de
faire en sorte que son mariage fonctionne.
    — Eh bien, répliqua Quintus avec une certaine
pertinence, si la bonne opinion d’Atticus compte tellement pour toi, pourquoi n’épouses-tu
pas Pomponia toi-même ?
    Nous passâmes la première nuit dans la villa de Tusculum, et
atteignions Ferentium, sur la voie Latine, quand un messager arriva d’Arpinus
pour informer les frères que leur père s’était effondré, mort, pas plus tard
que la veille.
    Étant donné qu’il avait dépassé la soixantaine et qu’il
était malade depuis de nombreuses années, cette mort les prit moins par
surprise que celle de Lucius (dont la nouvelle se révéla avoir visiblement
porté le coup fatal à la santé déjà défaillante du vieil homme). Mais laisser
une maison ornée des rameaux de cyprès et de pin propres au deuil pour
séjourner dans une autre maison aux décorations semblables constitua le summum
de la mélancolie, aggravée encore par le fait que, comble de malchance, nous
arrivâmes à Arpinum le 29 novembre, date dédiée à Proserpine, reine des Enfers,
qui met en application les malédictions des hommes sur les âmes des morts. La
villa des Cicéron se trouvait à trois milles de la ville, au bout d’une route
empierrée et sinueuse, dans une vallée cernée de hautes montagnes. Il faisait
froid à cette altitude, et les cimes avaient déjà revêtu leur voile de vestales
qu’elles ne quitteraient plus avant le mois de mai. Il y avait dix ans que je n’étais
pas retourné là-bas, et de tout retrouver tel que je l’avais laissé éveilla en
moi des sentiments étranges. Contrairement à Cicéron, j’avais toujours préféré
la campagne à la ville. J’étais né ici ; ma mère et mon père y avaient
tous deux vécu et y étaient morts ; pendant le premier quart de siècle de
ma vie, ces prairies luxuriantes et cours d’eau cristallins, avec leurs
peupliers élancés et rives verdoyantes, avaient constitué les limites de mon
monde. En voyant combien j’étais affecté et sachant à quel point j’avais été
dévoué au vieux maître, Cicéron m’invita à les accompagner, Quintus et lui,
auprès du mort pour lui faire mes adieux. D’une certaine façon, je devais à
leur père presque autant qu’eux car il s’était entiché de moi quand j’étais
encore tout gosse, m’avait instruit afin que je puisse l’aider avec ses livres,
puis m’avait donné la chance de voyager avec son fils. Alors que je me baissais
pour baiser la main glacée, j’eus la sensation très forte d’être rentré chez
moi, et l’idée me vint que je devrais peut-être rester ici pour devenir simple
serviteur, épouser une fille de même statut et avoir un enfant. Mes parents,
bien qu’ils eussent été esclaves de maison et non fermiers, étaient tous les
deux morts dès le début de la quarantaine ; je ne pouvais donc compter, au
mieux, que sur une dizaine d’années de vie encore. (Comme nous sommes ignorants
de ce que l’avenir nous réserve !) Il me répugnait de penser que je puisse
disparaître sans laisser de descendance, et je résolus d’aborder la question
avec Cicéron dès que l’occasion s’en présenterait.
    C’est ainsi que j’en vins à avoir une conversation assez
intime avec lui. Le lendemain de notre arrivée, le vieux maître fut enterré
dans le caveau familial, et les cendres de Lucius, dans leur vase d’albâtre,
furent placées à côté avant qu’on sacrifie un mouton afin de conserver au lieu
son caractère sacré. Le lendemain matin, Cicéron fit le tour du domaine dont il
était l’héritier, et je l’accompagnai pour le cas où il aurait eu besoin de me
dicter des notes : l’endroit (tellement hypothéqué qu’il ne valait
virtuellement plus grand-chose) était en effet dans un triste état, et il
convenait de procéder à de nombreux travaux. Cicéron souligna que c’était au
départ sa mère qui avait géré la propriété ; son père avait toujours été
trop rêveur pour s’occuper des régisseurs et autres fournisseurs agricoles ;
après la mort de sa

Weitere Kostenlose Bücher