Indomptable
Peut-être existe-t-il
un autre monde plus doux, juste sous le nôtre, dont l’entrée
se trouve quelque part dans l’ancien tumulus. Peut-être
Mère s’y trouve-t-elle, sifflant à l’oreille du faucon qui se
trouve sur son poignet pendant que son formidable chat
rayé dort sur ses genoux et que le soleil se répand autour
d’elle. »
Le rire d’une femme monta en flèche, interrompant les
pensées de Meg. Elle fronça les sourcils. Le rire était nou-
veau. Chaud et sensuel, pareil à un vent d’été. Il devait
appartenir à la femme normande que Meg avait espionnée
depuis sa chambre. Même à distance, les cheveux noirs et
les lèvres rouges de la femme auraient suffi à faire tourner
la tête de n’importe quel homme.
« Peu m’importe que la maîtresse de Lord Dominic soit
une beauté, se dit Meg impatiemment. Le plus important
est que je puisse quitter le château avant qu’Eadith ne
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INDOMPTABLE
revienne trottiner près de moi pour me conter le dernier
récit de la brutalité normande. Que les récits d’Eadith soient
vrais, ce dont je doute souvent, ou faux, ils m’exaspèrent. »
De ses doigts nerveux Meg défit le ruban brodé qui ser-
pentait au milieu de ses longues tresses. Impatiemment, elle
tressa à nouveau ses longs cheveux et en attacha l’extrémité
avec des cordons de cuir. Un simple foulard pour la tête et
un bandeau lacé de cuir complétaient sa tenue.
Avec empressement, Meg quitta la chambre et descendit
les sinueux escaliers de pierre intérieurs jusqu’au deuxième
étage du château. Lorsqu’elle arriva en bas, une de ses
tresses s’était à moitié défaite. Tel un éclat de feu, ses che-
veux chatoyants d’une lueur vive, couleur rouge-or, se
répandirent en cascade sur son court manteau de laine gris
clair.
Les domestiques s’inclinèrent rapidement lorsque Meg
traversa l’avant-corps connexe qui gardait l’entrée du châ-
teau. Personne ne pensait que son accoutrement était
étrange puisqu’elle circulait librement dans le château
depuis l’âge de treize ans, depuis que son mariage avec
Duncan de Maxwell avait été refusé par le roi. À dix-neuf
ans, l’âge où la plupart des femmes de son rang avaient un
mari et une ribambelle de bébés, Meg était une vieille fille
dont le père se désespérait de ne pas avoir d’héritiers.
Meg fit un signe de tête au domestique qui lui ouvrait la
porte et sortit de l’avant-corps en empruntant les marches
de pierre abruptes qui descendaient jusqu’au sol pavé du
mur d’enceinte. Ses escarpins en cuir souple ne firent pas de
bruit alors qu’elle descendait les marches rendues glissantes
par le brouillard. Aussi habile sur ses pieds qu’un chat, elle
se glissa en bas de l’escalier jusqu’à l’ouverture du mur
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ELIZABETH LOWELL
d’enceinte où le vent s’engouffrait comme dans une grange
ou une cuisine, ébouriffant les plumes de la volaille ligotée
qui attendait de passer sous la hache.
Au-dessus d’elle, le ciel gris était strié de traînées bleu
clair. Le cercle incandescent du soleil brûlait timidement à
travers les voiles de brume. La douce couleur métallique du
printemps l’entoura telle une bénédiction, lui remontant le
moral. De sa gauche lui parvint le cri fluide des oiseaux
dans les pigeonniers. À sa droite, elle entendit le cri haut et
profond d’un gerfaut que l’on sortait des écuries pour être
installé sur un perchoir en bois dans le jardin.
Avant que Meg n’ait pu faire deux pas en direction de la
guérite, un chat noir avec trois pattes blanches et de saisis-
sants yeux verts trottina dans sa direction, miaulant joyeu-
sement, la queue ébouriffée bien droite. Meg se pencha et
tendit les bras juste au moment où le chat bondit légère-
ment, certain qu’il serait attrapé et maintenu.
— Bonjour à toi aussi, Black Tom, dit Meg en souriant.
Le chat ronronna et se frotta la tête contre son épaule et
son menton. Ses longs sourcils blancs et ses moustaches
blanches contrastaient sur sa tête noire.
— Ah, tu as un pelage tellement soyeux, bien plus que
celui des fouines blanches qui se trouvent sur la cape du roi,
j’en conviens.
Black Tom ronronna son approbation et sans ciller,
regarda sa maîtresse de ses yeux verts. Tout en lui parlant
doucement, Meg porta le chat jusqu’à la guérite.
— Belle matinée à vous, madame, dit le portier en tou-
chant son front en signe de
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