Indomptable
médiéval • tome I
Elizabeth Lowell
Traduit de l’anglais par
Valérie Finet et Sophie Beaume
Pour Denis Farina
chevalier blanc, magicien, champion
c 1
Printemps, sous le règne du roi Henri Ier
Nord de l’Angleterre
Le son d’un cor de guerre retentit au milieu de la journée,
annonçant l’arrivée du nouveau seigneur du château de
Blackthorne.
Comme en réponse à une convocation, une forme
sombre surgit de la brume… un chevalier en armure che-
vauchant un étalon immense. Le cheval et l’homme parais-
saient ne faire qu’un, indivisibles, féroces, dotés d’une
puissance masculine battant dans leurs veines au rythme
d’une tempête.
— On dit que c’est un démon, madame, murmura la
veuve Eadith.
— On dit cela de tous les chevaliers normands, répondit
Meg à sa servante avec un calme désespéré. Il doit certaine-
ment y avoir parmi eux des hommes au cœur bon et
généreux.
Eadith émit un son qui aurait pu être un rire étranglé.
— Non, maîtresse, votre promis porte une cotte de
mailles ajustée au corps et monte un destrier sauvage. On
peut entendre les murmures de la guerre.
— Il n’y aura pas de guerre, répondit Meg fermement.
C’est pour cela que je vais me marier, pour mettre fin au
massacre.
ELIZABETH LOWELL
— Ne vous méprenez pas. Il y a là plus de chances de
faire la guerre que de célébrer un mariage, annonça Eadith
avec une satisfaction sauvage. Mort aux envahisseurs
normands !
— Silence, dit doucement Meg. Je ne veux plus entendre
parler de guerre.
Eadith fit la moue, mais elle ne parla plus de guerre.
Debout près d’une grande fenêtre du château, à l’abri
des regards derrière un volet partiellement clos, Meg scru-
tait les terres à la recherche de la cavalerie qui aurait dû
accompagner le guerrier qui deviendrait bientôt son époux.
Rien ne bougeait à l’arrière du cheval de guerre, si ce
n’est la brume argentée serpentant au-dessus des champs.
C’était une personne cachée dans la forêt au-delà des terres
cultivées du château qui avait fait retentir le cor.
Le chevalier, paré de son cheval et d’une cotte de mailles,
apparaissait plus imposant à chaque instant, chevauchant
ouvertement jusqu’au château, sans craindre quoi que ce
soit. Aucun domestique ne se pressait derrière le chevalier.
Aucun écuyer ne se montrait à la tête de chevaux de bataille
ou de bêtes de somme croulant sous le métallique et scin-
tillant matériel de guerre.
Contrairement à la tradition, Dominic le Sabre appro-
chait du château saxon avec pour unique compagnon le cri
profond du cor de guerre.
— Celui-ci est véritablement le diable revêtant le corps
d’un homme, dit Eadith en se signant. Je ne me marierais
jamais avec lui.
— Effectivement. C’est ma main qui doit être donnée,
pas la vôtre.
2
INDOMPTABLE
— Puisse Dieu vous protéger, murmura Eadith. Je
tremble pour vous, madame, puisque vous n’avez pas la
présence d’esprit de trembler pour vous-même !
— Je suis la dernière descendante d’une lignée ancienne
et courageuse, dit Meg d’une voix enrouée. Comment un
bâtard normand inconnu pourrait-il faire trembler une fille
appartenant aux Druides de la Vallée ?
Alors que Meg parlait, elle sentit un frisson de peur par-
courir sa colonne vertébrale. Plus Dominic le Sabre appro-
chait à cheval, plus elle redoutait que sa servante ait raison.
— Que Dieu soit avec vous, madame, parce qu’il est cer-
tain que le diable le sera.
En prononçant ces paroles, Eadith se signa à nouveau.
Avec un sang-froid apparent, Meg regardait le fier che-
valier s’approcher. Il s’agissait de l’homme qui allait la
réclamer en tant qu’épouse et, avec elle, le vaste domaine
qu’elle allait hériter à la mort imminente de son père.
Il s’agissait là de l’appât qui avait amené un réputé che-
valier normand à quitter Jérusalem pour les frontières nor-
diques du royaume du roi Henri. Le domaine de son père
avait toujours été l’appât pour les seigneurs écossais dont
les familles avaient demandé la main de Meg pour leurs
fils. Cependant, tout d’abord William II et ensuite Henri Ier
avaient refusé de consentir au mariage de Lady Margaret
de Blackthorne.
Jusqu’à ce jour.
Le chevalier sur son étalon se rapprocha davantage et
laissa supposer à Meg que son futur époux était une per-
sonne peu commune, et pas uniquement du
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