Indomptable
fait qu’il che-
vauchait seul.
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ELIZABETH LOWELL
« Tel un chevalier banni, il ne porte les couleurs d’aucun
seigneur, mais il est certainement dans les bonnes grâces
du roi d’Angleterre. Lorsqu’il deviendra mon époux, il
régnera sur plus de terres qu’aucun des plus grands barons
du royaume. »
Perplexe, Meg contemplait le chevalier normand qui
était devenu un grand seigneur anglais. Il ne chevauchait
sous aucun étendard et ne portait l’écusson d’aucun homme
sur son bouclier en forme de larme. Son heaume était
façonné d’un étrange métal noirci, de la même couleur que
le cheval de guerre qui le portait. La longue cape qui enve-
loppait son corps couvert de mailles et celui de son cheval
était sombre, lourde et suivait les mouvements puissants de
l’étalon.
« Chacun d’eux est fier tel Lucifer. Et aussi puissant. »
Meg suivait l’approche du sombre seigneur, s’exhortant
à ne montrer aucune peur.
— Il est exceptionnellement grand, dit Eadith.
Meg ne répondit rien.
— Ne vous apparaît-il pas effrayant ? demanda la
servante.
Le sombre chevalier paraissait en effet impressionnant,
mais il n’était pas question que les servantes du château fas-
sent des commérages sur la façon dont leur maîtresse trem-
blait à l’approche de son futur époux.
— Non, il ne me paraît pas effrayant, répondit Meg. Il
ressemble à ce qu’il est, un homme en cotte de mailles mon-
tant un cheval. Un spectacle tout à fait banal, en somme.
— Reste à voir, répondit Eadith sur un ton amer. Il
fut un moment où il était un chevalier bâtard et l’instant
d’après, il était devenu l’un des favoris du roi. Bien que le
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INDOMPTABLE
Sabre n’ait pas de terres qui lui appartiennent, les gens par-
lent de lui comme d’un grand seigneur.
— Lord Dominic, dit le Sabre, murmura Meg. Bâtard
ou noble, il a sauvé le fils d’un baron renommé des mains
des Sarrasins. Ce qui signifie que, sans lui, la croisade de
Robert se serait bien mal terminée. Un roi sage récompense
un aussi bon guerrier.
— Avec des terres saxonnes, rétorqua Eadith.
— Ce sont là les droits du roi.
— Vous agissez comme si vous ne vous en souciiez
guère.
— Je me soucie uniquement de mettre fin aux massacres.
« Avez-vous appris la pitié en Terre Sainte, Dominic
le Sabre ? L’espoir que je nourris dans mon cœur sera-t-il
comblé par la générosité dans le vôtre ?
» Ou bien êtes-vous pareil à la cotte de mailles que vous
portez, scintillant de cruelles possibilités plutôt que de
futures promesses ? »
Eadith contempla de biais les traits délicats de sa châte-
laine. Rien ne laissait transparaître les pensées profondes de
Meg. La servante regarda à nouveau le chevalier normand
qui approchait des portes d’un château qu’il avait gagné
par la promesse d’un mariage plutôt que par une bataille
honorable.
— On dit qu’il s’est battu avec une froideur glaciale
et avec la sauvagerie d’un barbare nordique, dit Eadith en
rompant le silence.
— Cela ne lui servira à rien avec moi. Je ne suis ni de
glace ni guerrière.
— Les Druides de la Vallée, chuchota Eadith tout bas
pour que sa châtelaine ne puisse l’entendre.
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ELIZABETH LOWELL
Cependant Meg l’entendit.
— Pensez-vous qu’il soit au courant ? lui demanda
Eadith après quelques instants.
— Quoi donc ?
— Que vous ne lui donnerez jamais d’héritiers.
Les yeux vert clair de Meg se fixèrent sur la veuve
saxonne qu’elle avait prise à son service en tant que ser-
vante à la requête de son père.
— Colportes-tu fréquemment des ragots aux manants,
serfs et paysans ? demanda Meg d’un ton brusque.
— En aura-t-il ? persista Eadith. Aura-t-il des fils de
vous ?
— Que d’étranges questions, dit Meg, qui se força à
sourire. Suis-je une voyante pour connaître le sexe de mes
enfants à venir ?
— Il paraît que vous êtes une sorcière des Druides de la
Vallée, répondit Eadith sans mâcher ses mots.
— Les Druides de la Vallée ne sont pas des sorciers.
— Ce n’est pas ce que les gens racontent.
— Les gens racontent souvent des choses fantasques,
rétorqua Meg. Après une année passée au château de
Blackthorne, vous devriez le savoir.
Eadith regarda sa maîtresse de biais.
— Les gens disent également la vérité.
— Vraiment ? Les rochers ne fleurissent pas pour moi,
ni les arbres ne se penchent pour me
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