Je suis né un jour bleu
meilleure, pour que mes aptitudes à communiquer s’améliorent, pour
apprendre de mes erreurs et pour prendre de temps en temps un jour pour moi. J’espère
également devenir encore plus proche de ma famille et de mes amis – grâce
à ce livre, ils pourront me connaître et me comprendre un peu mieux.
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Je me souviens de manière toujours très
vivante de l’expérience que j’ai vécue, adolescent, allongé sur le sol de ma
chambre, à regarder le plafond. J’essayais de me représenter tout l’Univers
dans ma chambre, j’essayais d’avoir une compréhension concrète de ce qu’était
le « tout ». Dans mon esprit, je fis un voyage jusqu’aux marges de l’existence
et j’explorai tout cela en me demandant ce que j’allais trouver. À ce moment-là, je me sentis vraiment mal et je perçus mon cœur qui
battait fort dans ma poitrine parce que, pour la première fois, j’avais compris
que la pensée et la logique avaient leurs limites et ne pouvaient pas emmener
quelqu’un plus loin. Le fait de m’en rendre compte m’effrayait et il me fallut
beaucoup de temps pour m’y faire.
Beaucoup de gens sont surpris quand je
leur dis que je suis chrétien. Ils imaginent que croire en Dieu ou explorer des
chemins spirituels est incompatible ou très difficilement compatible avec le
fait d’être autiste. Il est absolument vrai que mon Asperger rend l’empathie ou
la pensée abstraite plus difficiles pour moi. Mais cela ne m’empêche pas de
penser à des sujets profonds, qui concernent la vie et la mort, l’amour et les
relations, par exemple. En fait, beaucoup d’autistes tirent de réels bénéfices
de leurs croyances religieuses ou de la spiritualité. L’emphase religieuse du
rituel, par exemple, est une aide pour les personnes atteintes de troubles du
spectre autistique car la stabilité et la solidité qu’elle apporte leur sont
précieuses. Dans un chapitre de son autobiographie [27] intitulée Stairway to Heaven : Religion and Belief, Temple
Grandin, une femme autiste, écrivain et professeur de zoologie, décrit sa
vision de Dieu comme une force qui organise l’Univers. Ses convictions
religieuses viennent de son expérience lorsqu’elle travaillait dans les abattoirs
et de son sentiment qu’il doit y avoir quelque chose de sacré dans la mort.
Comme beaucoup d’autistes, mon activité
religieuse est avant tout intellectuelle plutôt que sociale ou émotionnelle. Quand
j’étais au collège, je n’avais aucun intérêt pour l’éducation religieuse et je
ne croyais pas que la possibilité d’un Dieu ou d’une religion puisse être d’un
quelconque soutien dans la vie quotidienne des gens. Parce que Dieu n’était pas
quelque chose que je pouvais voir, entendre ou sentir, et parce que les arguments
religieux que je lisais et que j’entendais n’avaient aucun sens pour moi. Mon
revirement date de ma découverte des œuvres de G. K. Chesterton, un journaliste
anglais qui écrivit beaucoup sur sa foi chrétienne au début du XX e siècle.
~
Chesterton était une personne remarquable.
À l’école, ses professeurs disaient de lui que c’était un « rêveur »
qui n’avait pas pris « le même avion que les autres ». Adolescent, il
avait fondé un club de débats avec des amis où il discourait parfois pendant
des heures. Avec son frère Cécil, il débattit un jour pendant dix-huit heures
et trente minutes. Il pouvait citer de mémoire des chapitres entiers de Dickens,
et d’autres auteurs, et se souvenait de l’intrigue de dix mille romans pour
lesquels il avait fait des fiches de lecture dans une maison d’édition. Ses
secrétaires rapportent qu’il leur dictait un essai pendant que, lui, était en
train d’en écrire un autre sur un autre sujet. Oui, il était souvent perdu, tellement
absorbé dans ses pensées qu’il devait parfois téléphoner à sa femme pour se rappeler
comment rentrer chez lui. Il avait également une fascination pour les choses du
quotidien, ainsi qu’il l’écrit dans une lettre à sa femme : « Je ne
crois pas qu’il y ait personne qui prenne autant que moi un plaisir sincère aux
choses telles qu’elles sont. L’humidité de l’eau m’excite et m’enivre. L’ardeur
du feu, l’inflexibilité du fer, la saleté indicible de la boue. » Il n’est
pas impossible que Chesterton ait été à la frontière du spectre autistique, à
la frontière de son haut niveau. En tout cas, je me suis souvent senti proche
de lui en le
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