Je suis né un jour bleu
pas trop pendant l’émission.
J’eus le temps de rentrer déjeuner à l’hôtel
avant de revenir au studio pour l’enregistrement à 16 heures 30. On m’introduisit
dans une petite pièce où je regardai le début du show sur un écran de
télévision encastré dans le mur. Puis on m’emmena au maquillage. Les poils des
brosses étaient doux et glissaient sur ma peau. Je me sentis étonnamment détendu
quand on m’accompagna jusqu’au plateau et qu’on me montra où je devais me tenir
pendant la publicité. Puis j’entendis David m’annoncer au public et je reçus du
responsable de plateau le signal d’avancer. Suivant les répétitions du matin, je
m’avançai en relevant la tête et je serrai la main de David avant de m’asseoir.
Je me rappelais qu’il fallait que je garde un contact oculaire pendant l’interview.
Le public était suffisamment loin, caché derrière les lumières du plateau et je
ne pouvais pas le voir. Je ne pouvais que l’entendre. C’était mieux pour moi, parce
que cela me donnait l’impression que David était la seule personne à qui je parlais.
Il commença par des questions sérieuses sur mon autisme et sur les crises d’épilepsie
que j’avais eues enfant. Il me complimenta même sur mes aptitudes sociales et
le public commença à applaudir. À partir de ce moment-là, je ne fus plus
anxieux du tout. Quand je commençai à raconter ma tentative de record de
décimales du nombre pi, David m’interrompit et dit combien il aimait la tarte (pie en anglais) et le public se mit à rire. Il me demanda quel jour de la
semaine il était né après m’avoir donné sa date de naissance, le 12 avril 1947.
Je lui dis qu’il était né un samedi et qu’il aurait 65 ans en 2012, un jeudi. Le
public applaudit bruyamment. À la fin de l’interview, David me serra
vigoureusement la main et à ma sortie toutes les coulisses applaudirent. Beth
me complimenta et me dit combien j’étais calme et plein de sang-froid à la
télévision. Cette expérience me montrait plus qu’aucune autre que j’étais désormais
vraiment capable d’avancer dans le monde, de faire tout seul des choses que la
plupart des gens considèrent comme acquises : voyager à l’improviste, rester
seul dans un hôtel ou marcher dans une rue animée sans avoir le sentiment d’être
submergé par les différentes visions, les bruits et les odeurs tout autour de
moi. Je me sentais ivre à la pensée que tous mes efforts loin d’être vains, m’avaient
emmené au-delà de mes rêves les plus fous.
~
Le film documentaire Brainman a
été diffusé pour la première fois en mai 2005 en Grande-Bretagne et a battu des
records d’audience. Depuis, il a été montré ou vendu dans plus de quarante pays
dans le monde, depuis la Suisse jusqu’en Corée du Sud. Je reçois régulièrement
des e-mails et des lettres de gens qui ont vu le documentaire et qui ont été
touchés ou inspirés par lui. C’est excitant de penser que mon histoire peut
servir à autant de gens.
La réaction de ma famille au documentaire
fut également très positive. Mon père me dit qu’il était très fier de ce que j’avais
été capable d’accomplir. Depuis qu’une chute récente l’a laissé partiellement
handicapé, il doit vivre dans un environnement spécialement adapté où il est
susceptible de recevoir des soins médicaux et du soutien à tout moment, à
proximité de la maison familiale. Neil et moi, nous allons régulièrement à
Londres pour lui rendre visite. En vieillissant, la santé mentale de mon père s’est
stabilisée et il met même à profit son expérience en contribuant sous forme d’articles
au bulletin d’information d’une association locale.
Je n’ai pas toujours ressenti un lien
émotionnel fort avec mes parents, mes frères ou mes sœurs en grandissant et je
n’en ai pas ressenti un manque particulier : ils ne faisaient pas partie de mon
monde, tout simplement. Les choses sont différentes aujourd’hui : je suis
conscient que ma famille m’aime et je sais tout ce qu’elle a fait pour moi
pendant des années. Avec l’âge, mes relations avec ma famille s’améliorent. Je
pense que tomber amoureux m’a permis de me rapprocher de mes propres sentiments,
pas seulement pour Neil mais pour ma famille et mes amis, et de les accepter. J’ai
de bonnes relations avec ma mère, nous parlons régulièrement au téléphone et j’aime
nos conversations. Elle continue à jouer un rôle de soutien
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