Kommandos de femmes
me ruissellent dans les oreilles et, bercée doucement par le roulement de la voiture, je me laisse emporter en pensant que demain, les jours suivants, avec maman retrouvée cxxxi nous prendrons le chemin de notre maison.
QUE RESTE-T-IL ?
Que reste-t-il cxxxii aujourd’hui – près de trente ans après – de ces souffrances, de ces morts, de ces crimes sans pardon possible, de ces souvenirs horribles, de ces peurs de chaque nuit, de chaque rêve ? (chaque nuit, depuis mon retour, je me réveille deux ou trois fois, en hurlant… noyée de sueur, blanche, « épouvantée »dans mes entrailles, mes articulations, jusqu’à la racine de mes ongles ou de mes cheveux).
Que reste-t-il aujourd’hui – près de trente ans après – de ce combat pour la survie, sans trop de bassesses, sans trop d’abandons ? Une immense lassitude. Un désintérêt pour ce qui est futile, inutile. Une compréhension fervente des inquiétudes de la jeunesse. Une haine farouche des démagogies politiques et des régimes totalitaires qu’ils soient de « droite » ou de « gauche » . Un amour infini des êtres qui savent faire de leur vie un choix et qui sont capables d’expliquer en trois phrases ce qu’ils font sur terre… Souvent, en kommando, je me disais « Toi, au moins, tu sais pourquoi tu es là… On t’a prise avec un poste radio dans une valise…
Pauvre imbécile ! À ton retour on te dressera des arcs de triomphe… Tu auras l’auréole du martyre. Alors, courbe l’échine, accroche-toi à ta pelle, à ta machine. Tu dois rentrer ! » Et je suis rentrée. J’ai fui les « arcs de triomphe », les « anciennes », je vis seule avec « là-bas ». Et ce « là-bas », moi qui voulais rompre les ponts pour en sortir, ne me quitte plus. Il colle à ma peau. Car voyez-vous – vous tous qui n’avez pas connu « là-bas » – « là-bas », c’était le dernier rivage… une île sur laquelle se retrouvaient pour essayer de cohabiter ceux et celles qui devaient se transformer en « Mannequins Nus ». Et vous connaissez la fin de l’histoire : l’homme et la femme mis à nu, comme sur une table d’amphithéâtre, se sont révélés. Est-il bon ? Est-il méchant ? Homme ou bête ? Je n’ose répondre. C’est peut-être parce que je ne sais pas répondre que « là-bas » peuple mes nuits. Celui ou celle qui a eu le courage de « trancher », de bonne foi ou en se mentant, a retrouvé le sommeil, peut-être même l’oubli.
Pour moi, trente ans après, il reste, uniquement, cette question.
ACHEVÉ D’IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE HÉRISSEY À ÉVREUX (EURE)
N° d’imprimeur : 17920
Dépôt légal : 1 er trimestre 1976
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