Kommandos de femmes
leurs tâches à l’égard de l’utilisation des détenus. « La garde des détenus pour les seules raisons de sûreté, de redressement ou de prévention, n’est plus au premier plan. Le centre de gravité s’est déplacé vers le côté économique. Il faut mobiliser la main-d’œuvre détenue d’abord pour les tâches de guerre…» C’est ce jour-là qu’apparaît la notion véritable de « stück », de morceau. Le commandant du camp est rendu responsable du travail effectué par le déporté. Ce travail « doit être, au vrai sens du mot, épuisant pour qu’on puisse atteindre le maximum de rendement ». Et Oswald Pohl, qui a peur de ne pas être compris, précise : le temps de travail n’est pas limité, tout ce qui pourrait abréger ce temps de travail (repas, appels, etc.) doit être réduit au minimum. « Les déplacements et les pauses de midi, de quelque durée que ce soit, ayant pour seul but le repas sont interdits. »
Himmler, timidement, protestera en affirmant que : quand même, malgré tout, il ne faut pas oublier le rôle éducatif de l’internement mais, pragmatique, il se range très vite aux arguments de celui qui n’est que son subordonné mais que les circonstances placent « momentanément » en avant. Qui sait ? Albert Speer, le ministre tout-puissant de l’Armement, hésite à confier la fabrication d’obus, de grenades ou de balles de mitrailleuses à des déportés. Non par souci humanitaire ou par respect de la convention de Genève, mais simplement parce qu’il considère que tout ce qui est façonné dans les camps de concentration par les déportés est de la plus mauvaise qualité possible. Architecte « bien aimé » du Führer, bâtisseur des perspectives et monuments triomphalistes du Reich de Mille ans, il se rendra en personne à la carrière de Mauthausen pour réclamer que l’on ne lui adresse plus jamais le moindre morceau de granit extrait par des « amateurs ». En 1943, Speer oublie son perfectionnisme et visite les premières usines de munitions qui accueillent des déportés. Il se fait même photographier au milieu de pyjamas rayés et ce document encadré est accroché dans le salon d’attente de son bureau. Aujourd’hui, Speer répète à qui veut bien l’interroger :
— En ce qui concerne les Juifs, ma conscience est loin d’être tranquille, très loin. Ils pèsent sur moi et c’est un fardeau dont je ne me débarrasserai jamais. Je n’étais pas antisémite. Mais lorsque je me suis inscrit au Parti, il m’a bien fallu souscrire aux idées de Hitler. J’ai le sentiment profond d’avoir été coupable de ce qui s’est passé, sans avoir été personnellement impliqué dans les exterminations que, d’ailleurs, j’ignorais. Mais, après tout, faisant partie du gouvernement, j’aurais dû les connaître, j’aurais dû faire l’effort de les connaître… Si j’avais fait une enquête, j’aurais su la vérité concernant les camps et les exterminations. Je reconnais avoir eu une situation qui me permettait de faire ces enquêtes sûres et approfondies. La vérité était à portée de la main, mais pour mon compte, je ne parle que pour moi, je n’ai pas cherché à la découvrir. Rien ne pourra m’absoudre de m’en être abstenu.
Werner Von Braun, utilisateur dans au moins une dizaine de kommandos de « matériel » concentrationnaire, donne aujourd’hui les mêmes réponses que Speer. Et Himmler et Oswald Pohl s’ils étaient vivants se raconteraient d’une manière identique.
Ce 30 avril 1942 naissent les kommandos extérieurs qui vont croître et se multiplier au fil des mois et devenir tentaculaires, dans la dernière année de guerre. Certains camps centraux donneront naissance à plus de cent sections qu’il leur sera impossible d’administrer, d’approvisionner, de contrôler. Les commandants locaux, nouveaux seigneurs féodaux, s’accommoderont fort bien de cet état de fait. Parfois, un kommando lointain, trop important pour être « abandonné », est rattaché à un camp-mère plus proche ou devient, tout simplement, indépendant et crée de nouveaux kommandos qui, à leur tour…
Tout au long des libérations du premier trimestre 1945, les Alliés découvriront ainsi plusieurs milliers de camps de concentration, comme si l’Allemagne n’était plus qu’un immense territoire-camp, comme si les Allemands vivaient tous obligatoirement « à moins de dix kilomètres d’un camp ».
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