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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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escaladaient des pierrailles, se
tordaient les chevilles, boitaient, tombaient, se cognaient, se déchiraient à
des ronces, mais ils puisaient une folle énergie dans leur peur de mourir
ensevelis ou calcinés. Ils entendirent le canon qui balayait la rue
principale ; un obus tomba sur la maison qu’ils venaient de quitter et les
poutres du toit s’enflammèrent. Ils croisèrent d’autres fuyards aux uniformes
roussis, et leur bande avait grossi quand ils atteignirent les murs du cimetière ;
ils eurent encore la force d’y grimper, sautèrent de l’autre côté sur les
tombes et, de croix en croix, parvinrent à l’église. Masséna et ses officiers
étaient debout ; les branches des grands ormes foudroyés leur tombaient
dessus.
     
    Fayolle avait récupéré le cheval de son ami Verzieux, plus
nerveux que le sien et qu’il devait tenir serré, mais la journée avançait et
après une dizaine de charges brutales le cavalier et sa monture étaient aussi
fourbus. On revenait, on repartait, on sabrait, les rangs se clairsemaient et
les Autrichiens ne reculaient pas. Fayolle avait mal au dos, mal au bras, mal
partout et la sueur lui coulait dans les yeux, qu’il essuyait de sa manche où
le sang de Verzieux avait séché en croûte brunâtre. Il enfonça ses éperons à
faire saigner le cheval, qui renâclait. Son sabre d’une main, un boutefeu
autrichien allumé dans l’autre main, il tenait la bride entre ses dents et
s’apprêtait à refluer avec son peloton pour un instant de repos entre deux
assauts, lorsque des chasseurs de Lasalle le frôlèrent en braillant :
    — Par ici ! par ici !
    Dans le tumulte et la confusion de la bataille, qui
commandait ? Fayolle et son congénère Brunel découvrirent à ce moment le
capitaine Saint-Didier qui sortait de la fumée, il avait perdu son casque et
levait le bras dans leur direction pour les engager à suivre les chasseurs,
ainsi que d’autres cuirassiers de la troupe éparpillée. Ensemble, ils forcèrent
leurs chevaux autant que possible pour fondre à revers sur des uhlans qui accablaient
les cavaliers de Bessières. Surpris, les Autrichiens tournèrent leurs lances à
fanions vers les assaillants mais ils n’eurent pas le temps de manœuvrer leurs
chevaux et reçurent la poussée de côté sans pouvoir charger. Fayolle enfonça la
mèche enflammée de son boutefeu dans la bouche ouverte d’un uhlan, il en poussa
la hampe de tout son poids dans le gosier, et l’autre bascula par terre en se
tortillant, pris de spasmes vifs, les yeux tournés, la gorge brûlée. À quelques
pas, le maréchal Bessières lui-même, à pied, sans chapeau, une manche déchirée,
parait les coups avec deux épées qu’il croisait au-dessus de sa tête. Au corps
à corps, les uhlans s’empêtraient dans leurs lances trop longues et ils
n’avaient pas eu le temps de tirer leurs épées ou leurs fusils d’arçon, aussi
dégagèrent-ils rapidement la place en abandonnant leurs morts et quelques
chevaux. Bessières enfourcha l’un de ces chevaux à crinière rase et selle rouge
galonnée d’or, puis il repartit vers l’arrière accompagné par ses sauveurs et les
débris de son escadron.
    Au bivouac, un officier en grande tenue l’attendait. C’était
Marbot, l’aide de camp favori du maréchal Lannes, qui lui annonça avec un rien
de gêne :
    — Monsieur le maréchal Lannes m’a chargé de dire à
Votre Excellence qu’il lui ordonnait de charger à fond…
    Bessières se sentit insulté. Il devint couleur de cendres et
jeta avec mépris :
    — Je ne fais jamais autrement.
    À la moindre occasion, l’ancienne inimitié entre les deux
maréchaux ressortait. Gascons tous deux, ils se jalousaient et se
contrecarraient depuis neuf ans, lorsque Lannes espérait épouser Caroline, la
sœur frivole du Premier consul ; il accusait Bessières d’avoir soutenu
Murat contre lui : n’avait-il pas été le témoin de ce mariage ?
     
    Berthier avait installé son quartier général dans les
bâtiments massifs de la tuilerie d’Essling, qui ressemblait à une redoute avec
des guetteurs sur les toits, des tirailleurs aux fenêtres, et même des canons
au rez-de-chaussée. Lannes entra furieux dans la salle où Berthier avait étendu
ses cartes sur des chevalets, qu’il modifiait au fur et à mesure des nouvelles
qui lui venaient du front ou des ordres de l’Empereur.
    — La cavalerie, disait Lannes, est incapable de nous
dégager !
    — À la longue elle y

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