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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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feuilles une carriole à bras, puis il ramasse une branche cassée,
entre dans la sacristie ouverte par un obus, qui ronronne de braises, y allume
son rameau, ressort, le lance dans la carriole qui brûle d’un coup, puis il
avise Lejeune désemparé parmi tant de désordre : « Avec
moi ! » Les deux hommes prennent chacun un bras de la carriole qui
flambe, puis ils foncent en la poussant vers la ruelle ; dès que leur brûlot
a pris sa vitesse, ils se couchent, sentent des balles les frôler, mais la
carriole va cogner de plein fouet la gueule du canon et se disloque ; les
tonnelets de poudre, ouverts, explosent et tout vole en éclats, fût déchiqueté,
membres arrachés. Des grenadiers chargent à la baïonnette pour dégager Masséna
et Lejeune qui se redressent à demi, mais impossible de pénétrer dans la ruelle
où les maisons s’embrasent, c’est une fournaise, alors on retourne en courant
vers les ormes hachés de l’église. Des Autrichiens tentent de leur barrer le
chemin, mais d’autres grenadiers armés de poutres qu’ils manient comme des
massues cassent quelques têtes ; Masséna ramasse seul un soc de charrue,
et d’une poussée il tranche deux gaillards contre les marches d’un perron.
Lejeune a paré le sabre d’un officier en veste blanche, qui lui envoie son
genou dans le ventre, il se plie, fort heureusement car la balle qui lui visait
la nuque s’enfonce dans le front de l’Autrichien dont le sang gicle.
    Assis sur un banc de pierre collé à une maison qui n’avait
plus qu’un mur debout, Masséna regardait sa montre. Elle était arrêtée. Il la
secoua, tourna le remontoir, rien à faire, elle était cassée et il jura :
    — Peste ! Un souvenir d’Italie ! Elle a
appartenu à un monsignore du Vatican ! Tout en or et vermeil ! Il
fallait bien qu’un jour ou l’autre elle me lâche… Ne restez pas à quatre
pattes, Lejeune, venez vous asseoir un moment pour vous remettre d’aplomb. Vous
devriez être mort mais ce n’est pas le cas, alors respirez un bon coup…
    Le colonel s’épousseta et le maréchal continuait :
    — Si nous nous en tirons, je vous commanderai mon
portrait, mais en action, hein ? Avec le soc de charrue comme tout à
l’heure, par exemple, en train d’écrabouiller une meute d’Autrichiens ! On
écrirait en dessous Masséna à la bataille. Vous voyez l’effet que ça
produirait ? Personne n’oserait l’accrocher, ce tableau ! La réalité
déplaît, Lejeune.
    Un boulet vint fracasser une partie de la toiture de la
maison devant laquelle les deux hommes se reposaient, et Masséna se leva d’un
bond :
    — La voilà, tiens, la réalité ! Mais ces chiens
essaient de nous enterrer sous les gravats, ma parole !
    Un cavalier arrivait au galop du côté de la plaine, il
ralentit son cheval près de l’église, interrogea un sous-officier, aperçut
Masséna qui enchaînait les jurons et se dirigea droit vers lui. C’était
Périgord, toujours impeccable.
    — Par où diable est-il passé, celui-là ? dit
Masséna.
    — Monsieur le duc !
    Et Périgord tendit un pli au maréchal :
    — Une dépêche de l’Empereur.
    — Voyons tout le mal que me veut Sa Majesté…
    Il lut, leva les yeux vers le soleil qui baissait à l’ouest.
Les deux aides de camp de Berthier bavardaient entre eux :
    — Vous êtes blessé, Edmond ? demanda Lejeune.
    — Seigneur non !
    — Vous boitez.
    — Parce que mon domestique n’a pas eu le temps de
briser mes bottes, et le cuir étant mal assoupli j’en souffre à chaque pas.
Vous, cher ami, votre pantalon aurait besoin d’un sérieux coup de brosse !
    Masséna les interrompit :
    — Monsieur de Périgord, je suppose que vous n’avez pas
traversé les lignes autrichiennes.
    — La petite plaine qui touche au village, de ce
côté-ci, était libre, Monsieur le duc. Je n’y ai croisé qu’un bataillon de nos
volontaires de Vienne.
    — On pourrait donc s’y replier pour la nuit, avant de
laisser massacrer la division de Molitor…
    — Il y a des haies, des clôtures de buissons, des
barrières de bois, des bosquets, tout un tas de chicanes où s’abriter…
    — Bien, Périgord, bien. Vous avez de bons yeux, au
moins.
    Masséna réclama un cheval.
    L’un de ses écuyers lui en amena un aussitôt, qu’il voulut
monter, mais l’étrier droit était réglé trop court, alors il rappela l’écuyer,
en amazone après avoir passé la jambe au-dessus du garrot. Un boulet coupa

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