La chapelle du Diable
décidé
à garder son contrat avec la compagnie.
Les requêtes que nous venions porter aux ministres et qui étaient appuyées par
tout le comté, demandaient au gouvernement de faire évacuer nos propriétés et de
faire réparer les dommages causés : tout ce que nous avons pu obtenir, c’est que
des arbitres viennent fixer la valeur des dommages faits à la récolte de
l’année. Nos ministres ont montré que les 45,000 Canadiens-Français [ sic ]
qui habitent le comté du Lac-Saint-Jean pèsent bien peu dans leur estime à côté
d’un millionnaire étranger.
Nous voyons chez nous la répétition du scandale du Nord-Ouest. Des arpenteurs
sont arrivés sur les terres des Métis : ils ont divisé lesterres habitées, bouleversé les propriétés, et une partie de ces terres ont
été données à des colons étrangers venus d’ailleurs. Les Métis ont réclamé
pendant un an en vain. Voyant que le gouvernement ne daignait pas leur répondre,
ils se sont soulevés. Ils ont été accusés de révolte et vaincus. Le gouvernement
d’Alors, pour se donner raison, a sacrifié la tête d’un brave patriote... Peu de
temps après, on a rendu aux Métis ce qu’ils avaient réclamé en vain... — Nous
voyons chez nous la même chose : des étrangers se rendent maîtres de nos
propriétés... C’est le scandale qui se répète, avec cette différence que les
terres des Métis restaient à l’agriculture et au pays tandis que les nôtres sont
anéanties sous l’eau, et cette différence encore, que les Métis n’étaient que
« squatters » tandis que nous sommes propriétaires.
Telle qu’elle est, la question n’est pas réglée du tout. Elle ne le sera jamais
si on ne la règle pas selon la justice.
On a dit : Vous allez être indemnisés ; on va payer les dommages.
— Il y a des dommages qui ne se payent pas. Quand un homme, par des années de
travail, a organisé sa carrière et qu’il a assuré l’avenir de ses fils autour de
lui attachés au sol malgré toutes les tentations de la ville, qu’il se réjouit
de les voir sous ses yeux mener une vie sérieuse, honnête, chrétienne... Et que
tout d’un coup, à cause de la ruine d’une partie du domaine de la famille, il en
voit un ou deux, ou ses filles prendre le bord de la ville, exposés à tous les
dangers pour leurs corps et pour leurs âmes, il se passe dans le cœur d’un père
et d’une mère quelque chose que l’argent n’est pas capable de compenser. La
désorganisation d’une carrière, surtout le démembrement d’une famille, ce sont
des choses qui ne peuvent être évaluées ni dédommagées.
Il y a encore les torts qui atteignent les organisations paroissiales et
municipales, les fromageries, les routes, etc. Qui est-ce qui va évaluer cela ?
Comment peut-on réparer tout cela ?
Une autre cause de difficultés graves et interminables, où le cultivateur aura
toujours le dessous, c’est que l’élévation du lac fait quenous
devenons voisin de la compagnie. Elle a le lac, nous avons la terre. Chaque fois
que pour obtenir plus de rendement elle s’avisera d’excéder la limite fixée,
nous souffrirons de nouveaux empiètements. Nous nous plaindrons. Le gouvernement
nous répondra comme maintenant qu’il est lié par son contrat. Il faudra plaider
ou bien endurer sans rien dire. Pouvons-nous consentir à devenir ainsi esclaves
d’une compagnie ?... Jamais !
Cette compagnie a commis un acte criminel. Le code criminel dit : « Si
quelqu’un, individu ou compagnie, empiète sur la propriété d’un particulier, il
commet un méfait ; et le propriétaire peut toujours exiger l’évacuation de sa
propriété envahie et la démolition des ouvrages... » C’est le devoir du
gouvernement de faire respecter la propriété et de punir les violateurs de la
justice.
Pour une bouteille de boisson vendue en contravention, on mobilise la police,
on institue un procès et le coupable est condamné. Mais si c’est une compagnie
qui s’empare de la propriété non pas d’un seul mais de centaines de
cultivateurs, sans permission, sans avis, on n’agit pas ; bien au contraire on
prend sa défense, on appelle cela du « progrès industriel »...
J’ai assisté il y a peu d’années à un congrès de colonisation, où à propos de
la désertion des campagnes, un de nos hommes politiques disait : « Le but de
cette
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