La chapelle du Diable
réunion est d’étudier les moyens à prendre pour enrayer un mal qui va
grandissant, l’abandon de la terre ; le plus grand des dangers actuels, celui
qui nous conduit à la ruine ». C’est vrai ; il n’avait jamais dit plus vrai.
Mais trois mois plus tard on entreprenait les travaux qui devaient faire
disparaître la paroisse de Saint-Cyriac.
On a trouvé des gens pour dire que cette paroisse ne valait rien. J’ai été
appelé à m’en occuper, et chiffres en main j’ai pu voir qu’elle était une des
plus riches : toutes dettes publiques et privées payées, cette paroisse avait
$300,000.00 de surplus.
J’ai vu à cette époque trois municipalités autour de Montréal enfaillite, liquidées par la Métropolitaine. Ça ne valait pas Saint-Cyriac !
Cette paroisse, autrefois si prospère est aujourd’hui sous l’eau, anéantie, et
ses habitants dispersés aux quatre vents du ciel. Que c’est triste, messieurs,
de voir l’église fermée, isolée et vide sur un îlot... pour le profit d’une
industrie ; le mort silence à la place de l’activité... et du bonheur de tant de
nos gens !
D’après ce que je puis voir, à Saint-Cyriac, à Saint-Cœur-de-Marie et autour du
Lac-Saint-Jean, il va disparaître de la terre de quoi faire vivre mille familles
qui trouveraient chez elles un travail qui ne peut pas faire défaut et un avenir
assuré. Tout cela remplacé par des machines et quelques hommes pour les
surveiller... Pour expédier le pouvoir ailleurs, en nous faisant subir les
conséquences. Voilà ce que cela nous donne.
Encore une fois je veux bien être compris. Ce que nous voulons, nous les
cultivateurs du Lac-Saint-Jean, ce n’est pas la ruine de l’industrie, comme tant
de gens mal intentionnés essaient de le faire croire, c’est la préservation de
l’industrie agricole. Nous ne voulons pas empêcher le développement des pouvoirs
de la Grande-Décharge ; nous voulons seulement qu’il soit limité, de manière à
ne pas nuire à l’agriculture. Si vous voulez vous en convaincre, consultez
toutes nos requêtes, tous les documents de nos démarches sur ce sujet
depuis 1915.
Maintenant que nos terres sont envahies, nous les réclamons. Nous refusons à
être chassés comme des sauvages des propriétés que nous avons acquises deux
fois, par notre argent et par notre travail. Aux étrangers qui nous disent :
« Allez vous installer ailleurs », nous répondons : « Allez, vous autres,
chercher ailleurs le surplus de pouvoir que vous voulez vendre ; ne prenez pas
ce qui nous appartient ». Au gouvernement, nous disons : « Faites-nous rendre
justice ; si vous avez vendu plus de pouvoir que la Grande-Décharge peut en
donner sans nous inonder, remplissez vos engagements en concédant d’autres
pouvoirs d’eau ; il y en a tant sur les tributaires du Lac-Saint-Jean que dans cinquante ans, il en restera encore qui ne seront pas
utilisés ».
Nous avons besoin de l’appui de la classe agricole de la province. Car ce n’est
qu’auprès de la classe agricole que nous trouverons secours et protection. La
compagnie est puissante, et elle a avec elle, toutes les puissances d’argent ;
la plupart des professionnels sont portés pour la compagnie qui a plus de moyens
que nous de les intéresser ; le gouvernement est compromis et mal disposé à
notre égard ; nous n’avons pour nous ni l’argent ni les hommes ni le temps pour
faire le travail nécessaire à la défense de nos droits.
Mais nous sommes bien décidés à lutter jusqu’à la mort s’il le faut. Cela en
vaut la peine. Car nous ne luttons pas seulement pour rester maîtres sur nos
biens ; nous luttons aussi pour la défense de nos droits, pour empêcher que la
classe agricole soit sacrifiée avec mépris à l’ambition des puissances d’argent.
Notre cause est patriotique et nationale. Nous avons droit de réclamer l’appui
de tous ceux qui comprennent que la cause de la justice est la cause de tout le
monde.
Si une nation étrangère venait s’emparer du plus petit village dans notre pays,
on verrait aussitôt les chefs de l’état s’émouvoir, sommer l’envahisseur de se
retirer, et forcer tous les citoyens à prendre les armes pour défendre la patrie
attaquée. Notre cause est celle-là. Nous luttons pour empêcher que l’étranger
nous arrache de force un coin de notre patrie qui nous est
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