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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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l’avions photographié à l’avance. Nous ne
     sommes pas des prophètes ; mais nous avions l’expérience d’un petit barrage qui
     avait été fait il y a plus de 50 ans. Ce barrage retardait la baisse des eaux
     après les crues du printemps. Alors de grandes étendues de terrains étaient
     devenues impropres à la culture parce que l’eau y restait trop longtemps ; en
     des endroits où le bois avait poussé très gros, la forêt a toute péri... Nous
     avons fait des requêtes auprès du gouvernement fédéral qui nous a permis de
     faire disparaître ce petit barrage : il s’est fait un changement considérable.
     Après, le gouvernement fédéral, pendant 40 ans, a donné souvent de l’argent pour
     débarrasser l’entrée de la Décharge afin de permettre à l’eau de baisser plus
     rapidement. Nous avons vu le bois pousser où il avait péri les années
     précédentes ; et l’effet aupoint de vue de l’agriculture a été
     très sensible. Au témoignage d’un pionnier — l’un de ceux qui ont travaillé à la
     démolition des petits barrages —, dans la seule paroisse de Saint-Méthode, plus
     de 75 lots sont aujourd’hui en culture qui ne l’auraient jamais été si la
     Décharge était restée en partie bouchée.
    Pour la glace, nous l’avons vu chaque printemps... Et tous les calculs
     d’ingénieurs ne valent rien contre les faits, que nous avons constatés chaque
     année depuis que la région est ouverte.
    C’est sur des raisons sérieuses que nous nous appuyons. Et nous protestons
     vigoureusement non pas contre le projet de barrer la Décharge, mais seulement
     contre le projet de monter le niveau du lac.
    Nous n’avons jamais demandé de détruire ni d’arrêter l’industrie ; nous sommes
     assez ouverts pour comprendre que l’industrie a sa place et peut faire du bien,
     mais nous avons demandé de lui poser une limite ; de ne pas changer l’état
     normal du lac. C’est contre l’excès que nous nous sommes opposés.
    Nous avons toujours maintenu nos protestations...
    Tout à coup nous apprenons que les barrages se font... À nos inquiétudes, le
     gouvernement a répondu et répété que nos droits étaient garantis par les
     contrats, que le niveau du lac ne serait pas affecté... les desseins de la
     compagnie étaient tenus secrets : nous ne pouvions rien dire...
    Voilà qu’au mois de juin, après les semences, sans que personne nous en demande
     la permission, sans que personne nous en donne avis, l’eau envahit nos
     terres.
    Nous protestons. Nous écrivons aux ministres : pas de réponse. Nous venons en
     délégation pour demander des explications et réclamer l’évacuation de l’eau : le
     gouvernement répond : « Ils sont maîtres chez eux. » — C’est ce que nous
     voulons, que chacun soit maître chez soi. Nous voulons être maîtres chez nous ;
     et nous voulons que le gouvernement intervienne pour faire libérer nos terres
     envahies malgré nous.
    Les ministres ont refusé de nous écouter. Quand nous avons
     écrit, ils ne nous ont pas répondu. Quand nous sommes allé les voir ils nous ont
     reçu par des faux-fuyants et ont cherché à nous diviser entre nous pour se tirer
     d’affaire. Ils n’ont pas répondu à une seule de nos demandes ; ils n’ont pas
     réfuté une seule de nos objections ; mais ils ont cherché à esquiver la
     difficulté en jouant sur les mots et en faisant dévier la discussion.
    Nous n’avons pas trouvé chez nos ministres la loyauté et la franchise.
     L’honorable premier ministre a avoué devant la délégation qu’il avait commis une
     erreur en permettant d’inonder nos terres : mais il a refusé de s’engager à la
     réparer.
    Il a prétendu qu’il ne pouvait pas forcer la compagnie à baisser l’eau. Il nous
     a dit : « Le gouvernement est lié avec la compagnie par un contrat
     depuis 4 ans ». Je lui ai répondu : « Vous avez un contrat avec moi
     depuis 50 ans. Vous m’avez vendu une terre ; je vous l’ai payée ; vous m’avez
     donné ma quittance et ma patente bien avant la venue de ces messieurs... Ces
     contrats que vous avez avec nous, les cultivateurs, et qui sont confirmés par
     une possession de 20, 30, 40 ans, est-ce qu’ils ne vous lient pas ? Pouvez-vous
     vendre à d’autres ce que vous nous avez déjà vendu et qui nous appartient depuis
     des années » ?... À cela le ministre n’a rien répondu ; mais il est resté

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