La chapelle du Diable
l’avions photographié à l’avance. Nous ne
sommes pas des prophètes ; mais nous avions l’expérience d’un petit barrage qui
avait été fait il y a plus de 50 ans. Ce barrage retardait la baisse des eaux
après les crues du printemps. Alors de grandes étendues de terrains étaient
devenues impropres à la culture parce que l’eau y restait trop longtemps ; en
des endroits où le bois avait poussé très gros, la forêt a toute péri... Nous
avons fait des requêtes auprès du gouvernement fédéral qui nous a permis de
faire disparaître ce petit barrage : il s’est fait un changement considérable.
Après, le gouvernement fédéral, pendant 40 ans, a donné souvent de l’argent pour
débarrasser l’entrée de la Décharge afin de permettre à l’eau de baisser plus
rapidement. Nous avons vu le bois pousser où il avait péri les années
précédentes ; et l’effet aupoint de vue de l’agriculture a été
très sensible. Au témoignage d’un pionnier — l’un de ceux qui ont travaillé à la
démolition des petits barrages —, dans la seule paroisse de Saint-Méthode, plus
de 75 lots sont aujourd’hui en culture qui ne l’auraient jamais été si la
Décharge était restée en partie bouchée.
Pour la glace, nous l’avons vu chaque printemps... Et tous les calculs
d’ingénieurs ne valent rien contre les faits, que nous avons constatés chaque
année depuis que la région est ouverte.
C’est sur des raisons sérieuses que nous nous appuyons. Et nous protestons
vigoureusement non pas contre le projet de barrer la Décharge, mais seulement
contre le projet de monter le niveau du lac.
Nous n’avons jamais demandé de détruire ni d’arrêter l’industrie ; nous sommes
assez ouverts pour comprendre que l’industrie a sa place et peut faire du bien,
mais nous avons demandé de lui poser une limite ; de ne pas changer l’état
normal du lac. C’est contre l’excès que nous nous sommes opposés.
Nous avons toujours maintenu nos protestations...
Tout à coup nous apprenons que les barrages se font... À nos inquiétudes, le
gouvernement a répondu et répété que nos droits étaient garantis par les
contrats, que le niveau du lac ne serait pas affecté... les desseins de la
compagnie étaient tenus secrets : nous ne pouvions rien dire...
Voilà qu’au mois de juin, après les semences, sans que personne nous en demande
la permission, sans que personne nous en donne avis, l’eau envahit nos
terres.
Nous protestons. Nous écrivons aux ministres : pas de réponse. Nous venons en
délégation pour demander des explications et réclamer l’évacuation de l’eau : le
gouvernement répond : « Ils sont maîtres chez eux. » — C’est ce que nous
voulons, que chacun soit maître chez soi. Nous voulons être maîtres chez nous ;
et nous voulons que le gouvernement intervienne pour faire libérer nos terres
envahies malgré nous.
Les ministres ont refusé de nous écouter. Quand nous avons
écrit, ils ne nous ont pas répondu. Quand nous sommes allé les voir ils nous ont
reçu par des faux-fuyants et ont cherché à nous diviser entre nous pour se tirer
d’affaire. Ils n’ont pas répondu à une seule de nos demandes ; ils n’ont pas
réfuté une seule de nos objections ; mais ils ont cherché à esquiver la
difficulté en jouant sur les mots et en faisant dévier la discussion.
Nous n’avons pas trouvé chez nos ministres la loyauté et la franchise.
L’honorable premier ministre a avoué devant la délégation qu’il avait commis une
erreur en permettant d’inonder nos terres : mais il a refusé de s’engager à la
réparer.
Il a prétendu qu’il ne pouvait pas forcer la compagnie à baisser l’eau. Il nous
a dit : « Le gouvernement est lié avec la compagnie par un contrat
depuis 4 ans ». Je lui ai répondu : « Vous avez un contrat avec moi
depuis 50 ans. Vous m’avez vendu une terre ; je vous l’ai payée ; vous m’avez
donné ma quittance et ma patente bien avant la venue de ces messieurs... Ces
contrats que vous avez avec nous, les cultivateurs, et qui sont confirmés par
une possession de 20, 30, 40 ans, est-ce qu’ils ne vous lient pas ? Pouvez-vous
vendre à d’autres ce que vous nous avez déjà vendu et qui nous appartient depuis
des années » ?... À cela le ministre n’a rien répondu ; mais il est resté
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