La Collection Kledermann
convertir au protestantisme !
— Lisa ! s’offusqua sa grand-mère ! Comment oses-tu alors que nous venons juste de porter ton père en terre ! Ton père qui était catholique comme moi, comme ta mère, comme tes enfants ! Sache que je m’y opposerai de toutes mes forces ! Et vous, Aldo, c’est tout ce que vous trouvez à dire ?
Pensant qu’elle ne devait pas être au courant de ce dernier détail il lui sourit :
— Je le savais !… Tout ce que je peux répondre c’est que je ferai tout pour garder mes enfants ! Ils portent mon nom et cela Lisa n’y peut rien !
— Aucun juge ne les confiera à un débauché comme toi ! hurla celle-ci hors d’elle. Tu oublies que j’ai la preuve de ta trahison ! La lettre que ta maîtresse m’a écrite pour me demander pardon ne laisse aucun doute sur ta conduite ! Je l’ai conservée !
Aldo regarda sa femme et ne la reconnut pas. Elle était semblable à ce qu’elle était pourtant : les traits fins, la bouche bien dessinée dont il aimait tant les baisers, les immenses yeux violets, la peau claire, l’épaisse chevelure d’un blond ardent, mais le teint était blême, les yeux sans éclat, la bouche serrée, le corps raide. En fait, il ne manquait que les grosses lunettes cerclées d’écaille et le tailleur gris taillé en cornet de frites pour que ressuscite « Mina Van Zelden », la secrétaire hollandaise qui avait été son assistante pendant deux ans. À cette différence près que Mina avait le sens de l’humour…
— Tu ne feras pas cela ! articula-t-il lentement. Tu ne te serviras pas d’une lettre douloureuse pour t’en faire une arme contre moi.
— Crois-tu ?… C’est néanmoins ce que tu verras !
— Lisa ! s’écria sa grand-mère alarmée. Aldo a raison. Tu ne feras pas cela !
— En voilà assez ! trancha maître Hirchberg en se servant du dossier pour frapper sur le bureau. Dans l’état actuel des choses, rien de ce que vous annoncez, madame, ne peut intervenir dans mon office. Le testament doit être appliqué selon les volontés de votre père. Et je vais, à présent, remettre la collection au prince Morosini !
Allant jusqu’à la porte du cabinet de travail, il la ferma soigneusement en expliquant :
— La chambre forte ne peut être ouverte que si le bureau est fermé.
Cela fait, il traversa la grande pièce après avoir pris la clef contenue dans l’enveloppe sans oublier le papier plié qui l’accompagnait, l’introduisit dans une moulure de la bibliothèque occupant le mur du fond : une épaisse porte doublée d’acier tourna lentement sur d’invisibles gonds entraînant avec elle son habile décor de faux livres et éclairant du même coup la chambre forte.
Celle-ci devait être presque aussi vaste que le cabinet de travail mais l’espace en était réduit par la douzaine de coffres alignés le long des murs.
— Chacun d’eux possède une combinaison différente, continua le notaire. Elles sont indiquées sur ce feuillet que je ne regarderai pas, ajouta-t-il en le tendant à Aldo.
Ce ne fut pas sans émotion que ce dernier pénétra dans ce lieu aussi sacré qu’un sanctuaire pour lui, dont son beau-père, un jour, lui avait fait les honneurs. Chaque détail de ce moment magique était gravé au burin dans sa mémoire. Et aussi son émerveillement devant les trésors qu’il avait découverts. Ainsi il entendait encore la voix précise de Kledermann disant, indiquant le premier coffre à main droite :
— Celui-ci renferme une partie des bijoux de la Grande Catherine et quelques joyaux russes de provenances diverses.
Aldo revoyait nettement les longs doigts manipulant les deux grosses molettes. Il l’imita, après un coup d’œil au code et commença à tourner : à droite, à gauche, encore et encore, à droite deux fois et encore à gauche. Le lourd battant s’ouvrit dévoilant une pile d’écrins dont il prit le premier frappé de l’aigle impériale russe. Il savait qu’il avait entre les mains la célèbre parure d’améthystes et de diamants de la Sémiramis du Nord…
Sa passion des pierres reprenant le dessus, il eut pour le noble écrin un geste caressant puis l’ouvrit… et, avec un cri, le lâcha comme s’il l’avait brûlé…
Il était vide.
7
Le testament
Un profond silence salua la découverte comme si chacun retenait son souffle.
Aldo se reprit le premier, saisi d’une sorte de frénésie, il sortit les écrins l’un après l’autre, les ouvrit, passa au coffre suivant
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