La Collection Kledermann
pas la moindre idée de l’endroit où Grindel devrait apporter l’un des sacs ! compléta Plan-Crépin…
— Si vous avez des lumières là-dessus, ne vous gênez surtout pas pour nous éclairer ! fit Aldo agacé.
— Vous en savez autant que moi, alors faites marcher vos petites cellules grises, comme dirait Hercule Poirot, le petit Belge perspicace de cette M me Agatha Christie que nous avons eu le plaisir de rencontrer en Égypte !
Adalbert se mit à rire, ce qui eut l’avantage de détendre l’atmosphère.
— Du calme tous les deux ! Ce n’est pas en se bagarrant qu’on fera avancer les choses !
— Tu aurais une idée ?
— Je vous la donne pour ce qu’elle vaut. Selon moi, cela ne devrait pas être très loin de l’endroit où le corps du faux Kledermann a été retrouvé.
— Là-haut, près de Dieppe ?
— La falaise de Biville ?
— Pourquoi pas ? Essayons de raisonner ! Grindel n’a pas dû disposer de beaucoup de temps pour cambrioler la chambre forte. D’autre part, il ne pouvait pas aller jusqu’en Angleterre récupérer la clef aussitôt après l’enlèvement…
— C’est entendu, cela lui aurait valu un sacré bout de chemin pour regagner Zurich ! Sans compter le passage des frontières.
— … qu’il pouvait à ce moment-là franchir sans difficulté. Je vous rappelle que c’est un as du volant possesseur d’au moins une voiture de course ! On avale des kilomètres avec ça !
— La voiture que j’ai aperçue avenue de Messine n’avait rien d’un bolide, observa Plan-Crépin. Plutôt grise et petite, elle n’avait rien peur attirer l’attention. L’idéal pour passer inaperçu ou pour faire des achats dans Paris. Aussi j’ai dans l’idée qu’il ne devait pas aller bien loin.
— Ce qui veut dire ?
— Qu’il doit avoir un autre pied-à-terre ici ou dans la proche banlieue parisienne. Même s’il y avait une bouteille de rhum et si un certain désordre régnait dans le bureau, cet appartement n’a pas été occupé depuis plusieurs jours.
— Il serait seulement venu y récupérer les sacs qu’il y aurait entreposés après le vol ? fit Aldo dubitatif… N’était-il pas plus simple de les rapporter en Suisse ? Évidemment il y a la frontière à passer !
— Quelque chose me dit que ça ne devrait pas lui poser de problèmes ! émit Adalbert. Il est bâti comme un montagnard, ce type…
— Beaucoup le sont, en Suisse, fit remarquer Tante Amélie. C’est le pays qui veut ça !
— Sans doute, mais j’aimerais tout de même savoir où il est né. Il faudra le demander à Langlois. En admettant que ce soit du côté du Jura, il pourrait connaître certains chemins de contrebandiers…
— Tu rêves, mon vieux !…
— Alors sois bon, ne me réveille pas encore ! Voilà comment je vois le tableau : une belle nuit, il monte avec sa voiture jusqu’à une distance raisonnable de la ligne frontalière. Il la laisse dans une planque repérée d’avance et continue son trajet à pied. Arrivé en Helvétie, il cache les sacs dans un coin X ou Y, retourne chercher l’auto puis s’en va tranquillement présenter son passeport aux douaniers, fait un bout de route, après quoi, la nuit suivante par exemple, il ne lui reste plus qu’à récupérer le trésor de l’oncle Moritz !
— Ingénieux ! apprécia Plan-Crépin, mais, dans ce cas, pourquoi avoir laissé cette fichue collection ici ? Il doit bien avoir un endroit où la cacher ?
— Sans doute, mais son associé est en Suisse lui aussi, même si c’est un canton différent, et comme Grindel n’a nulle envie de partager et qu’il est suspect à Zurich, il a jugé plus prudent de revenir en France où il avait jusqu’à présent une situation confortable, bénéficiant du privilège d’être un banquier suisse, dirigeant une banque suisse. Évidemment, de la façon dont tournent les choses, il devenait urgent de reprendre possession de ladite collection dans cet appartement où la police risque de venir farfouiller… et là-dessus le coup de téléphone de Borgia vient lui tomber sur le poil. Peut-être même s’est-il affolé ? Il ne s’attendait pas à ce qu’on lui annonce que son oncle est toujours bien vivant et qu’on le tient caché, tout prêt à ressusciter si Grindel s’obstine à faire cavalier seul et à garder le magot pour lui ! À la réflexion, ce doit être cette dernière explication qui est la bonne…
— Alors autre question : comment Borgia a-t-il su qu’il
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