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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mille florins d’or.
    – L’envie de vomir me prend.
    – Moi, je vomis Audrehem !
    Cette fois pour de bon, Boucicaut s’en alla.
    *
    L’atelier de Daniel Goussot retentissait d’un concert de tapotis et frappements dont Tristan connaissait les couplets et l’antienne. Les uns, fréquents et légers, révélaient un fer acérain 9 épousant peu à peu la forme d’une bille de bois pour devenir épaulière, cubitière ou genouillère ; les autres, brefs, espacés, concernaient un acier sablonné, écroui sur l’enclume – une épée sans doute ou quelque passot. Le soufflet de la forge expirait en mesure. Nulle voix. Les talons des marteaux imposaient leur tumulte.
    Tristan se demanda s’il devait entrer plutôt que de monter dans sa chambre et y attendre le souper. L’absence de Boucicaut ne rendait que plus inacceptable sa solitude. Il admirait le maréchal autant qu’il en avait pitié. Pourquoi fallait-il que la royauté fut si laide ? S’il ne s’était déterminé à quitter la suite de Jean II pour gagner Castelreng et retrouver, ne fût-ce qu’un jour, Oriabel, il eût fait en sorte de ne plus réapparaître au Louvre et à Vincennes. On l’eût cru mort, sans doute, et nul ne l’eût regretté.
    Constance Goussot traversa la cour. Grande, avenante, elle portait une robe légère dont l’étoffe blanche et pimpelorée (192) seyait à ses courbes onduleuses. Il s’en détourna pour s’abandonner à la mélancolie de son oisiveté. D’ordinaire, il trouvait toujours à quoi s’employer. Ce jour d’hui, il ne savait que faire. Bien que Paindorge, occupé à l’écurie, fût d’une bonne accointance, Thierry lui manquait. Luciane également.
    Constance repassa et lui sourit. Son œillade était franche. Il résolut d’attendre, bien qu’il ne doutât plus des sentiments de la pucelle à son égard. Et puis, maître Goussot veillait sur elle.
    Il descendit les trois marches d’accès à l’armerie dont il poussa le hus et le contre-hus (193) . A la faveur d’un courant d’air, l’odeur complexe du logis emplit ses narines et sa gorge. Cela sentait la braise, la fumée, l’eau de refroidissement, noire dans un tonneau dont certaines douves suintaient ; et les fades relents du fer tourmenté chaud ou froid, de l’huile rance et de l’axonge ; et la sudation des hommes qui, par cette chaleur, s’activaient torse nu. Daniel Goussot frappait sur une lame tandis qu’Yvain, paisible, actionnait le soufflet. Flourens gironnait une épaulière et Guyot, une cubitière. Tristan regarda les murs gras, les râteliers d’outils aux tenailles nombreuses et les armures en voie d’achèvement, suspendues çà et là comme autant d’énormes épouvantails. Piétinant les limailles et rognures de fer, il s’approcha du haulmier (194) qui, posant son marteau, sourit sous sa moustache.
    – Une passot (195)  ?
    – Oui, messire. Pour un chevalier déplaisant qui nous fait réparer son armure. Mais quoi ! Il nous faut faire avec tout chacun.
    – Comment se nomme-t-il ? Je le connais peut-être.
    – Fouquant d’Archiac.
    – C’est un fumeux doublé d’un capiteux (196) .
    –  Je m’en suis douté. Il est à l’écurie et soigne son cheval.
    Certain d’avoir excité la curiosité de son hôte, Tristan continua :
    – L’an passé, j’ai accompagné le roi dans sa visite des bonnes villes 10 . Au commencement de juillet, sur le marché de Meaux, deux hommes s’offrirent pour une bataille à emprise de volonté 11 . C’étaient Fouquant d’Archiac, appelant, et Maingot Maubert, défendant. Il ne faisait point chaud ; c’était pis : la fournaise !… Maingot Maubert me parut un prud’homme solide, cir conspect, modeste et aduré aux armes… L’autre, ce Fouquant, chevalier, seigneur de Tornerac, me fit l’effet d’un chercheur de riotes. Sitôt qu’il fut en selle, son cheval desrayé par la chaleur et les coups d’éperons inutiles en ce cas 12 , lui fit si peur qu’il en descendit et se trouva fort en peine de requérir son contendant qui, lui, était resté en selle. Il faisait si chaud que les armures étaient de véritables chaudrons livrés aux feux du ciel. Dépité de ne pouvoir occire son homme, Archiac alla s’asseoir sur un banc, au bout des lices, sous les huées de la foule. Maingot Maubert était las, lui aussi, au point qu’il s’empêtra dans ses rênes, titilla son cheval et tomba… Comme au sortir d’un rêve, Archiac se mit debout

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