La couronne et la tiare

du château de Brignais. Prisonnier de ses anciens compagnons d’armes, il est conduit à Lyon où il doit être brûlé vif ainsi que quelques malandrins dont les propos empreints d’admiration pour son courage lui ont porté un préjudice fatal. Sur le chemin qui le conduit, résigné, au bûcher, Angilbert lui révèle que son mariage est nul tandis qu’une spectatrice surgie de la foule requiert, pour ce qui le concerne, l’abrogation de la sentence. Cette envoyée de la providence, c’est Mathilde de Montaigny. Baronne et deux fois veuve, elle était, elle aussi, prisonnière à Brignais. Tristan l’avait tirée des griffes de Bagerant et de son écuyer : Héliot. Mathilde, qui doit indubitablement sa liberté à Tiercelet et Oriabel, excipe d’une coutume qui n’a jamais été transgressée selon laquelle un condamné à mort doit obtenir sa grâce dès l’instant qu’une femme le revendique pour époux.
    Tristan se voit contraint d’accepter ce mariage avec une créature dont il a deviné l’hystérie et qui, une fois reclus dans son château, lui devient vite insupportable. Il ne songe qu’à Oriabel. Menacé de mort par l’insatiable Mathilde qui, se sachant dédaignée, l’a pris en aversion, il parvient à fuir Montaigny en compagnie de quelques hommes d’armes de passage qui formeront bientôt sa flote (181) . Il apprendra plus tard que le plus violent de ses geôliers de Montaigny l’a définitivement débarrassé de sa déplaisante épouse.
    De retour à Paris, puis à Vincennes où les travaux d’un immense château se poursuivent, Tristan obtient une audience de Jean II. Il lui décrit succinctement ses malaventures sans lui révéler la trahison d’Arnaud de Cervole avant l’affrontement de Brignais et sans oser lui donner son sentiment sur l’impéritie des maréchaux de Bourbon et Tancarville, authentiques responsables de la défaite des Lis de France.
    Le roi fait peu de cas de son récit. Le dauphin Charles le convoque et lui confie une mission à vrai dire impossible, mais qu’il ne peut refuser : traverser la Manche et enlever le fils d’Édouard III. En effet, le prince de Galles, sans protection particulière, séjourne au manoir de Cobham avec son épouse, Jeanne de Kent. Il doit être aisé, dans ces conditions, d’en entreprendre et réussir la capture.
    Embarqués sur une petite nef battant pavillon anglais, La Goberde, et déposés nuitamment dans l’estuaire de la Tamise, à proximité du refuge princier, Tristan et ses compagnons parviennent à se saisir de l’héritier d’Angleterre. L’irruption d’un contingent de guerriers compromet l’expédition. Lors d’une escarmouche, Tristan doit abandonner son prisonnier tandis que ses hommes tombent un à un. Seul Paindorge, son écuyer, en réchappe, blessé. Les deux survivants déjouent les menées de leurs poursuivants grâce au concours d’une jouvencelle. Luciane au service de la belle Jeanne.
    Mi-chambrière, mi-damoiselle de compagnie de la princesse, Luciane était aussi, d’une certaine façon, la prisonnière de celle-ci. Fille d’un chevalier normand, Ogier d’Argouges, elle sait, par son aimable geôlière, que son père, captif en Angleterre après la prise de Calais par les Anglais (1347), est revenu en France un an plus tard au moment où la peste noire ravageait les populations du continent et particulièrement celles de la Normandie. Luciane imagine qu’à cette époque où sa mère périt du terrible mal, Ogier d’Argouges s’est lancé à sa recherche sans pouvoir la trouver puisque, pour tenter de la soustraire à la contamination, son oncle, Thierry Champartel, l’avait conduite au Mont-Saint-Michel. Une succession d’événements néfastes l’ont peu à peu éloignée de cet homme, chevalier lui aussi, et marié à Aude, la sœur d’Ogier. Une femme, Catherine Pigache, en laquelle Thierry avait confiance, a placé la fillette sous la dépendance de Jeanne de Kent qui séjournait alors à Saint-Sauveur-le-Vicomte ; celle-ci, en revenant à Londres, a emmené Luciane avec elle.
    Un jour qu’elle se promène dans Paris en compagnie de Tristan et de Paindorge, Luciane reconnaît Thierry dont les événements ont fait un chevalier d’aventure courant les joutes, les tournois pour y gagner des prix et vivre décemment. Elle le présente à ses compagnons et les adjure, tous, de l’aider à retrouver son père. Tristan hésite : son temps lui est compté puisqu’il doit