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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ce qu’il fait chaque jour en mon nom et place. C’est bien moi que tu as laidengié 15 .
    – Si tu veux m’affronter, tu le regretteras.
    Le visage d’Archiac avait changé : la joie d’occire animait sa figure massive où sa bouche affamée peut-être de cris et de jurons tremblait comme celle d’un muet s’évertuant au langage. Un sentiment d’inexprimable répulsion envahissait Tristan : «  Es ësfrounta coumo bërgan dë bos 16  ! » Puis, oublieux de sa langue natale : « Déjà il se délecte à l’idée de ma mort tandis que moi, je ne veux pas la sienne… Simplement lui fournir une chaude leçon ! »
    –  Je n’ai jamais regretté mes actes et t’étriller me sera une joie.
    –  Où ? Quand ?
    –  Dans la cour voisine. Maintenant.
    Les armuriers chuchotèrent. Pour une fois, leur journée serait marquée d’un bel événement.
    – Allez fermer les huis, dit maître Goussot à ses aides. Mettez la bâcle.
    –  Je n’ai point de vergogne à me battre en public.
    –  Moi si. Archiac. Et puis, conviens-en : si j’ai le dessus, tu maudiras les manants d’assister à ta déconvenue.
    Observant scrupuleusement l’adversaire, Tristan percevait jusqu’à dans ses mouvements la décomposition d’un orgueil fallacieux.
    – Avec quoi ? A cheval ?
    – Ce que tu voudras, Fouquant, mais à pied : nos chevaux manqueraient d’espace.
    – Dommage… J’aurais aimé t’empoindre de mon glaive. Répète-moi ton nom.
    – Tristan de Castelreng.
    J’ai une archegaie (201)  : Pélias.
    –  Moi pas.
    – J’en ai une, dit maître Goussot.
    – Alors, soit, un lancié (202) . Et si nous rompons nos hampes ?
    – L’épée, mais Pélias te vaincra.
    Tristan ne voulut point savoir, de crainte d’une risée, ce que signifiait ce nom étrange.
    A l’épée, soit !… Quant à ta Pélias, j’en ferai une pigouille. Et moins encore… Si je te vaincs, Archiac, ton cheval m’appartient.
    –  Soit… Nous adoubons-nous comme pour une guerre ?
    – Certes, puisque nous sommes chez des gens de métier.
    Tristan souriait. Par cette chaleur, l’armure serait insupportable, et qu’il le voulût ou non, Archiac penserait à Meaux avant que de penser à mal.
    – Va t’adouber, dit-il. J’y vais de mon côté.
    *
    –  Voulez-vous, messire, que je vous aide ?
    Tristan se retourna. Ainsi, Constance l’avait suivi.
    Livide et frémissante, elle joignait les mains. Telle quelle, dans le chambranle de la porte, il la devina moins passionnée de Dieu que de solas et délits 17 plus terrestres. Ils donnaient à son regard une luminosité si précise qu’il sut, s’il sortait vivant du jeu mortel auquel elle assisterait mouillée des épaules aux cuisses, de quelle récompense il serait honoré.
    – Damoiselle, dit-il, Robert va m’apporter mon armure. Laissez-moi seul.
    – Ah ! Bon… si c’est ainsi…
    Dans ses yeux, soudain, brillèrent les larmes d’un déplaisir dont Tristan fut touché.
    – Je croyais que Thierry occupait vos pensées…
    Où avait-il trouvé cette inflexion de reproche qu’il ne ressentait pas ?
    –  Nenni !… A vrai dire, je vous croyais, moi, fiancé à cette…
    Elle s’était retenue de dire : «  cette fille  ». Il lui en sut bon gré. Elle demeura un moment sans souffle, les joues rouges d’une espérance poignante : Luciane n’existait plus. Cependant, un nuage embruma ses yeux clairs :
    – Seigneur ! dit-elle, courbant la tête, les paupières baissées, le visage tragique. J’ai peur pour vous… Cet homme me paraît l’incarnation du mal.
    Elle se poussa contre lui si violemment qu’il chancela en maudissant une péripétie qu’il eût certainement appréciée ailleurs, en d’autres circonstances.
    – Allons, allons, dit-il. Plus tard, je ne dis pas…
    En se montrant, Paindorge mit un terme à des désirs sournois incompatibles avec des préparatifs minutieux.
    – Messire, cet Archiac a un écuyer digne de lui. Je le vais observer car il me paraît capable de tout… Regardez…
    Tristan s’approcha d’une fenêtre. Dans la cour. Archiac se préparait. Son plastron de cuirasse, posé de chant sur une escabelle et touchant au mur de l’écurie, brillait comme un fragment de soleil.
    – Vois, Robert… Il se penche… Il se regarde comme devant un grand miroir. On dirait un devin cherchant une image, un signe… Il ferait mieux de s’apprêter tout en priant pour sa vie !
    Tristan souriait.

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