Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
épouse.
    – Nous ne sommes point ici, dit le prince Charles, pour discuter des qualités et des défauts d’Arnaud de Cervole ! Nous avons délibéré avec les routiers de Brignais et sommes tombés d’accord.
    Pour traiter avec ces malandrins, il fallait être en position de force. La royauté française se prostituait à eux. Hélas ! Seul un Édouard III ou un prince de Galles eût osé proférer cette vérité.
    – Peut-être vous demandez-vous, chevalier, dit le roi, quels hommes ont traité avec les routiers.
    Il ne fallait surtout pas dire : « Que m’importe ! » mais :
    – Oui, sire.
    – Audrehem. Henri de Trastamare…
    Quelle méprise d’avoir convié cet Espagnol aux négociations ! Jean II et son fils ignoraient-ils que ses hommes égalaient en nuisance les malandrins de Brignais ?
    – … l’évêque de Clermont, le comte de Boulogne, le sire de la Tour, le sire de Montagu, Robert de Lorris et le gouverneur de Montpellier.
    – Et pour les routiers, sire ?
    Cette fois, ce fut monseigneur Charles qui répondit :
    – Jean Aimery, Garciot du Châtel, le Bourc de Breteuil, Bérard d’Albret, Espiote, Bertuchin, Pierre de Montaut…
    Le prince fronçait les sourcils dans un profond effort de mémoire. Son père le secourut et tirant, de sous son pourpoint, un parchemin qu’il déplia :
    – Jean Havezorque, le Petit-Meschin, Arnaut de Taillebarde.
    – Je les connais tous, sire. Je me garderais de leur fournir en gage la bouterolle de mon épée !… Pourquoi messire Arnoul d’Audrehem n’a-t-il pas essayé de les assaillir, lui qui n’était pas à Brignais et dont l’armée est fraîche et entière ?
    –  Parce que c’est ainsi !
    Le prince Charles s’indignait. Rassasié de tout, du moins en apparence, son père ne laissait paraître sur les traits de son visage aucune expression particulière d’assentiment ou de réprobation, aucun reflet d’une pensée déterminée, d’une résolution définie ; et ce qui peut-être, selon lui, signifiait la majesté dans ce qu’elle pouvait avoir de plus proche et de plus familier n’inspirait ni le respect ni l’admiration – même si cet homme, une fois, s’était battu comme un lion avant de succomber devant les léopards.
    –  Ce pourquoi nous vous avons fait venir céans, dit le prince, c’est pour vous mettre en garde contre cette haine que vous vouez aux routiers.
    – Sachez, ajouta le roi Jean, que nous n’accepterons point la moindre querelle si nous les rencontrons lors de notre descente en Avignon.
    Avait-il peur ? Sa voix, à défaut du visage, interprétait seule des sentiments de résignation. Son fils, pour une fois, souriait aux anges. Tristan se leva et, l’attitude affleurant l’insolence :
    – S’ils vous agressaient, sire ?
    Il se tenait bien droit, les paumes le long des cuisses pour ne point aggraver, en croisant les bras, son manquement à l’humilité : «  Quoique blessé l’esprit réduit le physique en servage. » Du front aux talons, il suait d’indignation, d’impuissance et de mépris.
    Il y eut un silence. Le souffle rauque, lent et comme paisible du père et la respiration haletante du fils se confondaient en un bruissement guère dissemblable de celui d’un homme qui se meurt. Attendant une réponse longue à venir, Tristan regarda les cannelures des voûtes où quelques mouches volaient, tournaient et bruissaient, elles aussi. Sans plus tergiverser, le dauphin se leva :
    – Ils n’oseront toucher à mon père !
    Le menton et le ventre en avant, les bras écartés, le dextre plus bas que l’autre en raison, sans doute, du poids de chair lestant son extrémité, il cherchait à se grandir, à se diviniser presque. Le roi s’en aperçut et se leva aussi :
    – Ne craignez rien, Castelreng…
    Je ne crains que pour vous, sire, comme à Poitiers où tant de couards s’en allèrent… alors qu’à plusieurs nous vous eussions sauvé…
    Il ne nommait pas expressément le fils, et d’ailleurs celui-ci avait tout oublié. Il ne nommait point Cervole, alors qu’il eût pu se le permettre. Il se courba, la main sur le cœur :
    – … et je demeure, sire, monseigneur, votre fidèle et dévoué serviteur.
    Sitôt dehors et seul, il soupira d’aise. Puis il se renfrogna presque immédiatement : la royauté n’en avait point terminé avec les routiers.
    Il quittait le Louvre lorsque Boucicaut le rejoignit.
    – Messire !… Je vous croyais déjà

Weitere Kostenlose Bücher