La fin Allemagne 1944-1945
certes qu’une petite minorité, mais cette minorité détenait encore le pouvoir de vie et de mort. Leurs élans autodestructeurs étaient parallèles à ceux de Hitleret des dirigeants du régime : par leur brutalité, ils continuèrent à assurer la continuité du régime nazi et à étouffer dans l’œuf toute manifestation de résistance à la base.
Après juillet 1944, le Parti et ses ramifications occupèrent toujours plus l’espace social au-delà de la sphère militaire et acquirent des pouvoirs considérablement étendus sur les citoyens et l’administration civile. Martin Bormannmit à profit sa proximité avec Hitleret sa position de chef de l’administration centrale du Parti pour ranimer celui-ci et priver l’administration publique de toute importance dans la définition de la ligne politique. On évoqua tant et plus le « temps du combat », avant la prise du pouvoir de 1933, et on pressa les activistes de prendre des mesures radicales afin d’achever la « révolution nazie ».
Au-dessous de Bormann, les Gauleiter jouaient un rôle essentiel. En qualité de commissaires à la défense du Reich, responsables de la défense civile dans leurs régions, ils avaient un immense champ d’intervention dans presque tous les domaines de la vie quotidienne (et la possibilité d’infliger un châtiment expéditif à tout récalcitrant). Eux-mêmes et leurs subordonnés au niveau des districts et des localités contrôlaient, entre autres choses, la distribution de l’aide, l’évacuation obligatoire des habitants des zones menacées, l’accès aux abris antiaériens, le déblaiement des gravats après les bombardements et le recrutement forcé pour les installations de défense. Ils jouèrent un rôle crucial dans lacampagne de « guerre totale » de Goebbels, se chargeant de ratisser les ultimes réserves de main-d’œuvre des bureaux et des ateliers afin de fournir des hommes à la Wehrmacht. La domination accrue du Parti fut loin de créer une administration rationalisée, mais elle renforça massivement son emprise sur le gouvernement et la société. Dans les derniers mois de la guerre, l’Allemagnen’était pas loin d’être une société entièrement mobilisée et militarisée. Jamais la masse des Allemands n’avait été à ce point opprimée, rudoyée et intimidée. Il n’y avait plus guère un seul domaine de la vie qui échappât aux intrusions du Parti et de ses ramifications.
La mise en place du Volkssturm à l’automne 1944 marqua un grand pas en direction de la militarisation complète de la société. Sur le plan militaire, il fut quasiment inutile. On s’en moqua généralement comme de l’« arme miracle » attendue. Et chacun vit dans cette mesure un signe de désespoir. Les individus sensés firent leur possible pour éviter d’avoir à servir dans le Volkssturm, ce qui semblait justifié compte tenu du niveau de ses pertes, surtout sur le front Est. Mais en tant qu’appareil de contrôle du régime, il était loin d’être insignifiant. En outre, il était souvent dominé par de fervents nazis, qui étaient de plus en plus engagés dans de nombreuses « actions » de police, dont des atrocités contre d’autres Allemands réputés lâches ou défaitistes.
Malgré la réelle perte de pouvoir de la bureaucratie de l’État – largement réduite à n’être qu’un instrument de mise en œuvre administrative – au profit du Parti, à tous les niveaux, le régime bénéficia jusqu’à la fin du soutien d’une machine bureaucratique sophistiquée et expérimentée. Cette dernière réussit à surmonter un grand nombre de difficultés diverses pour continuer à fonctionner, même si elle perdit de son efficacité, surtout dans les derniers mois du régime, au moment où il n’y avait plus grand-chose, sinon rien, à administrer. Sans la capacité d’organisation de fonctionnaires instruits et bien formés aux différents échelons, l’administration se serait certainement effondrée beaucoup plus tôt. Continuant d’infliger des peines draconiennes, le système judicaire fonctionna lui aussi jusqu’à la fin, soutenant la radicalisation de la terreur contre les citoyens allemands et les minorités persécutées. Dans toute la fonction publique prévalaient une loyauté presquespontanée, non pas spécifiquement envers Hitler, mais envers l’abstraction de l’« État » et un engagement à remplir ce que l’on tenait pour son
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