La fin Allemagne 1944-1945
combat de l’Allemagnepour son existence, de puissantes forces intérieures auraient pu faire acte de résistance, voire renverser le nouveau gouvernement. Il aurait pu s’ensuivre une guerre civile.
C’est dans la nature des choses : l’éternelle fascination pour les spéculations du type « et si ? » n’apporte aucune réponse. Aussi me suis-je efforcé d’évaluer non pas ce qui aurait pu être, mais ce qui s’est effectivement passé et, sur cette base, de comprendre les raisons qui poussèrent l’Allemagneà combattre jusqu’à la fin. Partant des indices exposés au fil des chapitres, il est temps de tresser les fils d’une réponse.
Pour commencer, et contrairement à ce qu’on a parfois prétendu, il est clair que la population n’a pas soutenu Hitleret le régime nazi jusqu’à la fin. « Le peuple n’a plus confiance dans les dirigeants », pouvait-on lire dans un rapport interne en mars 1945, l’un des nombreux que nous avons cités. « Le Führer est de jour en jour davantage atteint par la question de confiance et la critique 1312 . » Certes, en juillet 1944, l’attentat manqué de Stauffenbergavait au moins temporairement renforcé les liens avec Hitler au sommet comme à la base de la société. La popularité fléchissante de Hitler remonta au sein de la population civile et, à en juger d’après les lettres du front, parmi les soldats. Et la plupart des généraux, même ceux qui étaient loin d’être des fervents soutiens du régime, furent consternés par l’attentat : leurs journaux intimes ou leurs remarques privées le prouvent. En dehors de ce bref regain, cependant, la popularité de Hitler avait décliné depuis l’hiver 1941 ; en 1944-1945, elle était en chute libre. Il ne conservait de réserves significatives de popularité qu’auprès d’une minorité qui fondait à vue d’œil, même si, bien entendu, c’est cette minorité qui avait le pouvoir. Début 1945, toutefois, le soutien dont jouissait Hitler était tombé très bas.
Et le parti nazi inspirait désormais largement la haine. Goebbelslui-même le reconnut : le Parti se trouva largement « hors jeu » bien avant la fin. Il était en butte à une vive rancœur, tandis que ses cadres s’évanouissaient dans la nature, abandonnant la population. Malgré l’intensification des efforts de la propagande, les rapports qui parvenaient à Goebbels étaient sans ambiguïté. La propagande ne pouvait pas grand-chose, sinon rien, pour masquer la réalité que les gens voyaient de leurs propres yeux. Ses messages fervents et naïfs excitaient le mépris d’une population avide de voir la guerre finir et l’inexorable opposition à un régime qui avait plongé l’Allemagnedans une telle misère. Il n’est pas grand-chose pour étayer l’idée que la « communauté du peuple » conservait sa cohésion et sa force d’intégration derrière l’effort de guerre. Il y a longtemps que ladite communauté tant vantée s’était dissoute au profit du « sauve qui peut ».
Il y avait néanmoins d’importantes affinités partielles qui allaient au-delà du soutien au régime mais qui, objectivement, le consolidaient.De manière cruciale, l’existence du régime était étroitement liée à la défense du pays et de la terre natale : une cause à laquelle la plupart des Allemands adhéraient, même s’ils méprisaient Hitleret les nazis. L’écrasante majorité de la population, comme de nombreux rapports internes le constataient, aspirait à la fin de la guerre. Il subsistait cependant une évidente ambiguïté. Peu souhaitaient une occupation étrangère, surtout par les Russes. Mais dès lors qu’ils se battaient avec acharnement pour empêcher l’invasion, quels que fussent leurs désirs et leurs mobiles, les Allemands aidaient le régime à continuer de fonctionner. Et pour l’immense majorité d’entre eux, si démoralisés fussent-ils, il n’y avait tout simplement pas d’autre solution que de poursuivre le combat.
On ne saurait guère surestimer le rôle de la terreur. Sans elle, un soulèvement populaire aurait fort bien pu se produire. Or le régime représentait un grave danger pour ses citoyens, et celui-ci ne fit que croître après la vive intensification de la terreur en février 1945. On conçoit parfaitement que la population ait été très intimidée. Dans un régime à l’agonie, la terreur, auparavant exportée, revint en boomerang frapper la population
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