La Flèche noire
demanda Dick.
– Je prie pour son âme, répondit l’autre, d’une voix un peu troublée.
– Pour l’âme d’une sorcière ? s’écria Dick. Mais priez pour elle, si vous voulez ; c’était bien la meilleure fille d’Europe, cette Jeanne d’Arc. Le vieil archer Appleyard a prié devant elle, a-t-il dit, comme si elle avait été Mahomet. C’était une brave fille.
– Soit, mais, bon maître Richard, conclut Matcham, si vous aimez si peu les filles, vous n’êtes pas vraiment un homme naturel ; car Dieu a fait les deux avec intention, et a répandu dans le monde le sincère amour, pour être l’espoir de l’homme et le soutien de la femme.
– Fi, dit Richard, vous êtes une poule mouillée de rabâcher ainsi sur les femmes. Si vous croyez que je ne suis pas un vrai homme, descendez sur le sentier, et soit à coups de poing, soit à l’épée, ou bien avec l’arc et les flèches, votre corps éprouvera si je suis un homme.
– Non, je ne suis pas batailleur, dit Matcham énergiquement. Je ne veux pas faire la moindre offense. Je veux plaisanter seulement. Et, si je parle de femmes, c’est que j’ai entendu dire que vous alliez vous marier.
– Moi, me marier ! s’exclama Dick. Bon, c’est la première nouvelle. Et qui épouserai-je ?
– Une Joanna Sedley, répliqua Matcham en rougissant. C’est une combinaison de Sir Daniel ; il a de l’argent à gagner des deux côtés ; et j’ai entendu la pauvre fille se lamenter de cette union à faire pitié. Il paraît qu’elle est de votre avis, ou bien que le fiancé lui déplaît.
– Bah ! le mariage est comme la mort, il vient pour tout le monde, dit Richard avec résignation. Et elle s’est lamentée ? Voyez un peu, voyez quelles têtes de linottes que toutes ces filles : se lamenter avant de m’avoir vu ! Est-ce que je me lamente ? Non pas. Si je me marie, je me marierai les yeux secs ! Mais, si vous la connaissez, je vous prie, de quelle couleur est-elle, blonde ou brune ? Et est-elle d’humeur méchante ou agréable ?
– Hé, qu’importe ? dit Matcham. Si vous vous mariez, vous n’avez qu’à vous marier. Qu’est-ce que cela fait, brune ou blonde ? Niaiseries que cela. Vous n’êtes pas une poule mouillée, maître Richard ; vous vous marierez les yeux secs, quand même.
– C’est bien dit, répliqua Shelton, peu m’importe.
– Cela promet un agréable mari à votre femme, dit Matcham.
– Elle aura le mari pour qui le ciel l’a faite,répondit Richard. Je pense qu’il y en a de pires, aussi bien que de meilleurs.
– Ah, la pauvre fille, dit l’autre.
– Et pourquoi pauvre ? demanda Dick.
– Épouser un homme en bois, répliqua son compagnon. Pauvre moi, si j’avais un mari en bois !
– On dirait vraiment que je suis un homme en bois, répliqua Dick, moi qui traîne à pied, pendant que vous êtes sur mon cheval ; mais, c’est du bon bois, je crois.
– Bon Dick, pardonnez-moi, s’écria l’autre. Oui, vous êtes le meilleur cœur d’Angleterre ; c’était pour rire. Pardonnez-moi, gentil Dick.
– Non, pas de mots bêtes, répliqua Dick, un peu embarrassé par la chaleur de son compagnon. Il n’y a pas de mal. Je ne suis pas susceptible, Dieu merci.
Et à ce moment, le vent qui soufflait en plein dans leur dos leur apporta la discordante fanfare du trompette de Sir Daniel.
– Écoutez, dit Dick, on sonne le boute-selle.
– Ah, dit Matcham, ils se sont aperçus de ma fuite, et maintenant je n’ai plus de cheval, et il devint pâle comme un mort.
– Quelle mine ! répondit Richard. Vous avez une grande avance, et nous sommes près du bac. Et il me semble que c’est moi qui n’ai pas de cheval.
– Hélas, on va me prendre ! cria le fugitif. Dick, bon Dick, je vous supplie, aidez-moi encore un peu !
– Allons, bon, qu’est-ce qui te prend ? dit Richard. Il me semble que je vous aide très manifestement. Mais cela me fait de la peine de voir un compagnon si abattu ! Et écoutez, John Matcham – puisque vous vous appelez John Matcham – moi, Richard Shelton, advienne que pourra, je vous verrai sain et sauf à Holywood. Que les saints me le rendent si je vous fais faute. Allons, remettez-vous un peu. Sir Blancheface. Le chemin est meilleur ici ; donnez de l’éperon. Plus vite ! Plus vite ! Ne vous occupez pas de moi : je cours comme un cerf.
Ainsi, le cheval trottant dur
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