La Flèche noire
intentions, mais il fait la volonté d’autres ; Sir Daniel le manie comme il veut ! Faites-vous de bons protecteurs partout où vous irez ; faites-vous des amis forts ; veillez à cela. Et tâchez de trouver toujours le temps d’un pater noster pour penser à Bennet Hatch. Il y a sur terre des gredins pires que lui. Et Dieu vous aide !
– Et le ciel soit avec vous, Bennet ! répondit Richard. Vous avez été un bon ami pour votre élève, et je le dirai toujours.
– Et, voyez-vous, maître, ajouta Hatch avec un certain embarras, si ce Répare-tout m’envoyait une flèche, vous pourriez, peut-être, disposer d’un marc d’or, ou, peut-être même d’une livre pour ma pauvre âme ; car il est probable que ça sera dur pour moi dans le purgatoire.
– Je ferai ce que vous voulez, répondit Dick. Mais qu’y a-t-il, mon brave ? Nous nous rencontrerons encore, et alors vous aurez plus besoin de bière que de messes.
– Les saints le veuillent, maître Dick, répliqua l’autre, mais voici Sir Olivier. S’il était aussi prompt avec l’arc qu’avec la plume, ce serait un brave homme d’armes.
Sir Olivier donna à Dick, un paquet scellé avec la suscription : « À mon très vénéré maître, Sir Daniel Brackley, chevalier, que ceci soit promptement remis. »
Et Dick serra le paquet dans sa jaque, donna ses ordres et partit vers l’ouest par le haut du village.
LIVRE PREMIER
LES DEUX GARÇONS
CHAPITRE PREMIER
À L’ENSEIGNE DU SOLEIL, À KETTLEY
Sir Daniel et ses hommes passèrent cette nuit-là à Kettley, logés chaudement et bien gardés. Mais le chevalier de Tunstall était un homme en qui jamais ne se reposait le désir du gain ; et même à ce moment où il allait se lancer dans une aventure qui pouvait faire sa fortune ou la perdre, il était sur pieds une heure après minuitpour pressurer ses pauvres voisins. Il était de ceux qui trafiquent en grand dans les héritages contestés ; sa manière consistait à acheter les droits du prétendant le plus invraisemblable, puis, en captant la bienveillance des grands lords de l’entourage du roi, à obtenir d’injustes arrêts en sa faveur ; ou, si cela était trop compliqué, il s’emparait par la force des armes du manoir disputé, et se fiait à son influence et à l’habileté de Sir Olivier dans la chicane pour garder ce qu’il avait pris. Tel était le cas de Kettley, tombé tout récemment dans ses griffes ; il rencontrait encore de l’opposition de la part des tenanciers ; et c’était pour décourager le mécontentement qu’il avait conduit ses troupes par là.
Vers deux heures du matin, Sir Daniel était assis dans la salle d’auberge, tout près du feu, car il faisait froid, la nuit, dans ce pays de marais. À portée de sa main, un pot d’ale épicée. Il avait ôté son casque à visière, et était assis, sa têtechauve au long visage sombre, appuyée sur une main, chaudement enveloppé dans un manteau couleur de sang. À l’autre bout de la salle, une douzaine de ses hommes environ étaient en sentinelles près de la porte ou dormaient sur des bancs ; et, plus près de lui, un jeune garçon, paraissant âgé de douze ou treize ans, était étendu dans un manteau sur le plancher. L’hôtelier du Soleil était debout devant le grand personnage.
– Écoutez-moi bien, l’hôtelier, disait Sir Daniel, si vous suivez bien mes ordres, je serai toujours pour vous un bon maître. Il me faut de solides gaillards pour les principaux bourgs, et je veux Adam-a-More, comme connétable ; veillez-y. Si l’on en choisit d’autres, vous n’y gagnerez rien ; ou plutôt, il vous en cuira. Quant à ceux qui ont payé l’impôt à Walsingham, je saurai prendre des mesures… cela vous concerne aussi, l’hôtelier.
– Bon chevalier, dit l’hôtelier, je vous jure sur la croix de Holywood que je n’ai payé à Walsingham que par contrainte. Non, puissant chevalier, je n’aime pas les bandits Walsingham ; ils étaient pauvres, comme des voleurs, puissant chevalier. Donnez-moi un grand seigneur comme vous. Non, demandez-le aux voisins, je suis ferme pour Brackley.
– Possible, dit Sir Daniel sèchement. Alors vous paierez deux fois.
L’aubergiste fit une horrible grimace ; mais ceci était une malechance qui pouvait facilement tomber sur un tenancier en ces temps troublés, et il était peut-être content de faire sa paix si facilement.
– Amenez l’homme,
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