La Flèche noire
haut dans la froide lumière du soleil, et s’éloignait vers la mer en replis énormes.
Déjà tout près de la limite des bois et à peu près dans la direction de Holywood, un groupe de cavaliers en fuite fixa particulièrement l’attention de la jeune sentinelle sur la tour. Ce corps était assez nombreux ; nulle part sur le champ de bataille n’étaient groupés tant d’hommes de Lancastre ; aussi ils avaient laissé sur la neige un large sillage décoloré, et Dick pouvait suivre leur trace pas à pas, depuis l’endroit où ils avaient quitté la ville.
Pendant que Dick les surveillait, ils avaient gagné sans opposition les premiers arbres de la forêt dépouillée, ils s’écartèrent un peu de leur direction, le soleil tomba un instant en plein sur leur troupe au moment où le bois sombre lui faisait fond.
– Rouge sombre et bleu, s’écria Dick, j’en jurerais… Rouge sombre et bleu !
L’instant d’après, il descendait l’escalier.
Il avait maintenant à chercher le duc de Gloucester, qui seul dans le désordre des troupes pouvait lui fournir assez d’hommes. Le combat dans la ville même était maintenant fini, et, pendant que Dick courait çà et là cherchant le chef, les rues étaient pleines de soldats errants, les uns chargés de plus de butin qu’il n’en fallait pour les faire chanceler, d’autres, ivres, criant.
Aucun d’eux, quand il le leur demandait, ne pouvait rien lui apprendre sur le duc, et enfin ce fut par pur hasard que Dick le trouva en selle dirigeant les opérations pour déloger les archers du côté du port.
– Sir Richard Shelton, bien rencontré, dit-il, je vous dois une chose que j’estime peu, ma vie ; et une que je ne pourrai jamais vous payer : cette victoire. Catesby, si j’avais dix capitaines comme Sir Richard, je marcherais droit sur Londres. Et maintenant, Monsieur, demandez votre récompense.
– Librement, Monseigneur, dit Dick, librement et hautement. Un homme a échappé, contre qui j’ai quelque ressentiment, et il a pris avec lui quelqu’un, à qui je dois amour et service. Donnez-moi donc cinquante lances, que je puisse le poursuivre. Et, quelque obligation que votre gracieuseté se plaise à reconnaître, elle sera quitte.
– Comment l’appelez-vous ? demanda le duc.
– Sir Daniel Brackley, répondit Richard.
– Sus à lui, le double traître, cria Gloucester. Ceci n’est pas une récompense, Sir Richard, c’est un nouveau service offert, et, si vous m’apportez, sa tête, une nouvelle dette sur ma conscience. Catesby, donnez-lui ses lances, et vous, Monsieur, pensez en attendant au plaisir, honneur ou profit que je vous dois.
À ce moment, les derniers combattants d’York emportèrent une des tavernes près du rivage, l’envahirent de trois côtés, et en chassèrent les défenseurs ou les firent prisonniers.
Dick le bossu, heureux de ce fait d’armes, rapprocha son cheval et appela pour voir les prisonniers. Ils étaient quatre ou cinq, dans le nombre, deux hommes de Lord Shoreby, et un de Lord Risingham, et, en dernier, mais non le moindre aux yeux de Dick, un vieux marin grisonnant, grand, au pas traînant, un peu gris, avec un chien qui sautait en gémissant à ses talons.
Le jeune duc, pendant un moment, les passa en revue sévèrement.
– Bien, dit-il, qu’on les pende.
Et il se retourna de l’autre côté pour surveiller la suite du combat.
– Monseigneur, dit Dick, s’il vous plaît, j’ai trouvé ma récompense. Accordez-moi la vie et la liberté de ce vieux marin.
Gloucester se tourna, et regarda l’orateur en face.
– Sir Richard, dit-il, je ne fais pas la guerre avec des plumes de paon, mais des flèches d’acier. Mes ennemis, je les tue, sans excuse ni grâce. Car, pensez-y, dans ce royaume d’Angleterre, tellement bouleversé, il n’y a pas un de mes hommes qui n’ait frère ou ami dans l’autre parti. Si donc je commençais à accorder de tels pardons, il me faudrait bientôt rengainer.
– Possible, Monseigneur ; pourtant, j’aurai l’audace, au risque de votre disgrâce, de rappeler la promesse de Votre Seigneurie, répliqua Dick.
Richard de Gloucester rougit.
– Pensez-y bien, dit-il durement, je n’aime pas la pitié ni ceux qui s’apitoient. Vous avez aujourd’hui jeté les fondations d’une grande fortune. Si vous exigez ma promesse, l’engagement est pris, je céderai. Mais, par la gloire de Dieu, ici meurt votre faveur.
– Je la
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