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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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libres-penseurs.
    — Combien d’enfants ce réseau a-t-il sauvés ?
    — Le réseau du CDJ (Comité de défense des Juifs) a caché environ trois mille enfants.
    — Trois mille ?
    — Trois mille enfants, oui. À travers toute la Belgique, on sait qu’il y en a eu cinq mille, avec d’autres réseaux que le nôtre, ainsi que grâce à des initiatives individuelles. Notre réseau a réussi à en cacher plus ou moins trois mille. »
     
    Il y avait cinquante mille Juifs en Belgique avant la guerre : vingt-cinq mille seront déportés. Sur les vingt-cinq mille autres, quinze mille doivent la vie au réseau du Comité de Défense des Juifs (CDJ) – et, parmi eux, les trois mille enfants dont parlait Andrée Guelen.
    Son récit, bref, émouvant, m’a incité à interroger d’autres témoins belges. Si la route est longue par le précepte, elle est courte et facile par l’exemple . Or, au moment où ce proverbe m’est venu, je ne m’attendais pas qu’il me renvoie à quelqu’un que je connaissais bien, mais dont j’ignorais cette dimension de Juste.
    Haroun Tazieff est un homme célèbre. On connaît le scientifique intrépide, l’ancien ministre, le conteur à l’accent chaud et rocailleux. On connaît moins le résistant, et si, par la suite, il nous a fait partager ses recherches sur les volcans, il n’a, en revanche, jamais évoqué sa participation au sauvetage des Juifs. Discrétion des Justes, que j’ai plus d’une fois pu mesurer lors de cette enquête.
    « Pendant le terrible hiver 1941-1942, lui dis-je, vous êtes dans le petit château de la Ramée, en Belgique, sur le versant nord de la vallée de la Meuse, entre Liège et Namur. Autour de vous, un groupe de jeunes gens, dont la majorité sont des Juifs : que faites-vous là à cette époque ?
    — Non, s’exclame Haroun Tazieff, pas la majorité : la totalité ! Tous ces jeunes étaient des Juifs. Ce que je faisais là avec eux ?… Les choses ont commencé au début de l’hiver 1941. Je n’étais pas encore volcanologue, à l’époque, non, pas du tout : j’étais entomologiste. J’étais l’assistant du professeur d’entomologie de l’institut agronomique, Raymond Ménet, un type tout à fait extraordinaire. Un jour, il est venu me voir pour me demander si j’accepterais de prendre la responsabilité d’une pseudo-école d’agriculture qu’on ouvrirait à la campagne, dans un lieu qui restait encore à trouver. L’idée était d’y installer de jeunes Juifs pour les soustraire aux rafles qui commençaient à sévir en Belgique. Cela représentait deux douzaines de jeunes gens, âgés de douze, quatorze ans jusqu’à vingt, vingt-cinq ans, qui étaient censés être des étudiants en agriculture – tandis que j’étais supposé être leur mentor, leur professeur.
    « J’ai accepté, et c’est ainsi qu’a été montée, par les soins des communautés juives de Bruxelles et d’Anvers, cette institution qui s’est installée au petit château de la Ramée.
    « Nous y avons passé le très rude hiver qui s’est abattu sur l’Europe cette année-là. En fait d’agriculture, nous sommes restés des semaines sans pouvoir bêcher la terre, et même sans pouvoir la piocher : elle était dure comme de la pierre. Les fleuves ont gelé, on traversait la Meuse à pied. Je me souviens qu’il fallait casser l’eau du puits. Ce fut une période difficile : on n’avait presque rien à manger, hormis des carottes, et très rarement des pommes de terre ou des betteraves. Quant au poisson ou à la viande, il ne fallait pas y songer ! Au château, donc, on se serrait la ceinture. C’est dans ces conditions-là que nous avons passé ensemble ces quelques mois d’hiver et le début du printemps.
    — Est-ce que vous mesuriez le danger de cette situation : vous, à la tête d’une fausse école d’enfants juifs, face à une rafle éventuelle, face à une descente de l’armée allemande ou de la Gestapo ?
    — Je l’imaginais, oui. Mais j’ai toujours aimé prendre des risques ; la vie professionnelle que je me suis choisie ensuite le montre assez. Le risque me fait plaisir, c’est un des piments de l’existence. Le fait qu’il y eût un risque pour moi ne me gênait donc en aucune façon. En revanche, il me faisait froid dans le dos pour les gosses que j’avais à protéger.
    — Savez-vous, dis-je, que j’ai rencontré un de ces jeunes gens de la colonie de la Ramée ? Il se souvient de vous. Il

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