La grande Chasse
l'atterrissage, que nous constatons l'absence d'un des nôtres.
Le sous-officier Obauer n'est pas rentré.
28 mai 1941.
Depuis l'aube, la R.A.F. lance des incursions sur les côtes continentales de la Manche.
A 4 heures du matin, juste comme nous arrivons au terrain, un groupe de Hurricane passe en trombe sur les digues et mitraille le hangar qui abrite notre atelier de réparations. Les alertes vont se succéder toute la journée, sans arrêt. A mon grand dépit, mon zinc est hors de combat. Les mécaniciens s'affairent, mais l'appareil ne sera remis en état qu'au début de l'après-midi. Puis, au premier décollage, se déclare une fuite dans le système hydraulique. Je n'arrive pas à remonter la « jambe » gauche du train d'atterrissage.
Vers 18 heures seulement, je peux décoller, avec la 3e section. De nouveau, je dois me contenter d'être « l'ombre » de Grünert. Dans la région de Dunkerque, on signale des Blenheim escortés de Spitfire. Notre D.C.A. les a déjà canonnés — sans succès, bien entendu ! Ces gars de la D.C.A. sont des vantards terribles, ils gaspillent des quantités invraisemblables de munitions, et quand on leur dit qu'ils ne savent pas tirer, ils se fâchent.
Nous grimpons à cinq mille mètres. Le ciel est d'une limpidité parfaite embrasé vers l'ouest par le soleil couchant. Tout le monde se moque de moi quand je découvre « des avions ennemis, droit devant, très loin ». Ce sont de minuscules éclaboussures d'huile qui criblent les vitres de mon cockpit.
La tour de contrôle nous entraîne jusqu'à Calais où, paraît-il, les bombardiers anglais sont en train de se balader.
Du regard, je fouille le ciel rigoureusement vide.
Tout à coup, Grünert vire très sec. Une formation de Hurricane a surgi derrière nous. Evidemment, j'ai tendu le cou pour regarder à droite, à gauche, mais pas une seule fois, je n'ai pensé à regarder en arrière. C'est pourtant un vieux principe que connaît tout chasseur digne de ce nom : On verra bien ce qui arrivera par devant ; il faut surtout voir ce qui arrive par derrière.
Les Anglais essaient de se placer dans notre sillage. Nous cabrons au maximum, puis, après un virage à vous faire dresser les cheveux sur la tête, nous dégringolons sur eux. Ils tentent de s'échapper vers la mer, à toute allure. Grâce à notre vitesse supérieure, nous les rattrapons en moins de deux minutes. C'est alors une mêlée confuse, sauvage, dont les phases se déroulent à une vitesse vertigineuse.
J'ai réussi à me coller derrière un Blenheim. Le pilote m'a vu à temps, et il se livre à une série de zigzags violents, dans l'espoir de me semer. Idée malheureuse, car à chaque écart, il traverse mes rafales. Tout à coup, il se lance dans une spirale ascendante. Je grimpe à sa suite. Nom de nom ! L'animal monte vers le soleil qui vient de se dégager de la brume. Aveuglé, je ne vois plus rien. Une main en visière sur les yeux, je scrute vainement le ciel. Je pourrais pleurer de rage. Dire que j'aurais pu enregistrer ma première victoire !
Désormais, je ne volerai plus sans lunettes de soleil.
30 mai 1941.
« Chasse libre dans le triangle Douvres-Asford-Canterbury » aujourd'hui, l'énoncé de la mission nous laisse un maximum de liberté. Une petite balade, comme disent les vétérans du groupe.
Le temps est bouché, avec des nuages plafonnant très bas. Après avoir ratissé l'espace pendant une heure et demie, nous nous posons sans avoir aperçu un seul appareil ennemi.
21 juin 1941.
Depuis trois semaines, le groupe n'a pas fait une sortie.
Nous sommes stationnés à Souvalki, un ancien terrain polonais près de la frontière russe. Avec nous, plusieurs escadrilles de Stukas se tiennent continuellement en état d'alerte.
Au cours des deux dernières semaines, la Wehrmacht a concentré des forces puissantes le long de la frontière de l'est. Tout le monde se demande pourquoi.
D'après les uns, nous allons, avec l'accord de la Russie, avancer par le Caucase jusqu'aux régions du Proche-Orient, afin de nous emparer des gisements de pétrole, occuper les Dardanelles et bloquer le canal de Suez.
D'après les autres, nous allons tout simplement attaquer la Russie.
On verra bien...
Le soir, arrive l'ordre de descendre l'avion commercial soviétique de la ligne Berlin-Moscou. Le patron décolle avec la section d'état-major. Ils reviennent bredouilles ; le gros Douglas leur a filé entre les doigts.
Jusqu'à minuit, nous nous
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