La grande Chasse
leurs rapports, les Russes ne sont pas précisément des as de la voltige. Leurs coucous sont nettement plus lents que les nôtres, mais aussi beaucoup plus maniables.
De jeunes pilotes qui, comme moi, viennent d'arriver d'un camp d'instruction, abattent leur «premier ». Les vétérans allongent leur palmarès. Notre chef de groupe descend trois Rata au cours d'une seule sortie. Et moi... ?
25 juin 1941.
Lancer des bombes — encore des bombes — toujours des bombes ! Je commence à en avoir assez. Les camarades de la 4e et de la 5e escadrilles, et mêmes les deux premières sections de la mienne, bref, tous ceux qui pilotent déjà le nouveau Messerschmitt 109 F, ont continuellement l'occasion de se bagarrer avec les Ivan. Mais nous autres, avec nos « Emile » relativement poussifs, sommes toujours employés comme bombardiers auxiliaires. Ça devient fastidieux. Moi aussi, je voudrais enfin abattre mon « premier ».
Entre-temps, l'armée de terre a remporté des victoires stupéfiantes. Les Russes sont incapables de stopper notre progression. Jusqu'à présent, ils n'ont pas encore réussi à regrouper leurs forces ou, plus exactement ce qui en reste.
Quant à l'aviation soviétique, elle n'intervient que rarement, comme en hésitant. Quelques bombardiers Martin attaquent des objectifs sur nos arrières, sans causer des dégâts bien importants. Et la chasse rouge observe une réserve prudente. Réserve d'ailleurs fort compréhensible. Les pilotes russes manquent d'expérience. Leur tactique est aussi primitive que leurs appareils. Le Rata est loin de valoir notre Messerschmitt. Cependant, il est certain que, dans trois ou quatre semaines, ils auront appris à se défendre et, même à attaquer. Il ne faut pas que nos succès initiaux nous rendent trop optimistes. Le soldat russe sait pourquoi il se bat. Le communisme a fait de lui un fanatique. Un fanatique d'autant plus redoutable que sa mentalité est primitive. C'est peut-être sa plus grande force.
2 juillet 1941.
La sonnerie crispante du téléphone. C'est le bureau central du groupe. Le sous-lieutenant Knoke est prié de se présenter immédiatement chez le patron.
Qu'est-ce que le Vieux peut bien me vouloir ?
Je boucle mon ceinturon et, vaguement inquiet, me dirige vers le bureau.
Devant la baraque basse, le capitaine Woitke, allongé dans un transatlantique, prend son bain de soleil. Je claque les talons. Il se lève, souriant, et me tend la main.
— Vous êtes affecté, à partir d'aujourd'hui, à la première escadre de chasse. Vous devez rejoindre aussi vite que possible la base de Husum, en Frise.
Une heure plus tard, je décolle, à bord de mon fidèle « N° 6 ». C'est le plus vieux coucou du groupe — un coucou trop fatigué pour servir encore au front. Je le conduirai à l'école de chasse de Werneuchen où il finira sa carrière comme appareil d'instruction.
A vrai dire, je suis déçu. J'espérais tant récolter mes premiers lauriers en Russie où les événements se précipitent. Mais à quoi bon récriminer, un ordre, c'est un ordre. Evidemment, je suis un des plus jeunes de tous les officiers de l'escadrille et, probablement, le plus mauvais pilote. Alors, le Vieux a dû chanter mes louanges avec une telle éloquence qu'on m'a réclamé ailleurs. C'est
la méthode la plus élégante pour se débarrasser d'un poids mort.
Vers la fin de l'après-midi, je me pose à Werneuchen. Demain matin, je prendrai le train pour gagner Husum via Berlin et Hambourg.
Dommage que Lilo ne soit pas à Berlin !
30 juillet 1941.
Pour l'instant, la première escadre de chasse ne consiste qu'en un seul groupe. Les deux autres seront constitués au cours des mois qui vont suivre.
Nous menons une existence très calme, très routinière. J'ai déjà participé à de nombreuses sorties, mais je n'ai pas encore vu un seul Tommy.
On m'a affecté à la 3e escadrille dont le chef vient, lui aussi, du front de Russie. Et lui aussi est mécontent d'avoir été « renvoyé » comme il dit, dans l'ouest où, en ce moment, il ne se passe rien.
Chaque jour, nous fournissons des patrouilles de couverture pour les convois de la marine de guerre qui circulent entre les ports de la Manche et du golfe d'Allemagne [4] .
Parfois, les Anglais lancent contre ces convois de petites formations de Blenheim et de Beaufighter. Et de temps à autre, nous arrivons à en abattre un. Mais, dans l'ensemble, les combats aériens sont rares.
Nos appareils
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