La Guerre Des Amoureuses
devait être l’un d’eux, songea Olivier, avec une certaine
dérision. C’était aussi cela la guerre : on se battait pour sa foi, pour
ne pas être tué, mais surtout pour le butin.
Ils débouchèrent devant les tours du château
construit par Odet de Foix, seigneur de Lautrec. L’entrée se faisait par un
porche avec un pont-levis baissé sur un fossé presque comblé. Passant devant un
puits dans la cour, tandis qu’un serviteur en tirait de l’eau, Olivier plongea
ses mains ensanglantées dans un seau et les nettoya avant de s’asperger la
figure. Sa barbe était rêche.
Que lui voulait le roi ? se demandait-il
sans cesse.
Ils passèrent encore des douves sur un pont
dormant avant de pénétrer dans la grande salle. Tout de suite Olivier vit
Navarre. Pas plus lavé et pas plus propre que lui, toujours en cuirasse. Cela
le réconforta. Le roi avait juste changé son casque pour un chapeau droit, lui
aussi à panache blanc, et ceint une large écharpe blanche.
Debout, le Béarnais avait autour de lui les
princes et une trentaine de gentilshommes ainsi que des soldats et des
officiers dont certains étaient à genoux. Olivier reconnut le maître de camp
Agrippa d’Aubigné qui avait reçu une balafre au menton. Il remarqua aussi le
prince de Condé, assis sur un fauteuil, dont le visage blafard affichait la fatigue
et la douleur.
Voyant entrer Olivier, Navarre lui fit un
grand signe d’amitié.
— Mes amis, voici celui que j’attendais !
dit-il. Monsieur Hauteville, approchez et attendez votre tour, poursuivit-il d’une
voix rocailleuse. Nous vivons ici aussi à la bonne franquette !
» Monsieur le vicomte, dit-il à Turenne, vous
choisirez parmi vos blessés ceux qui ont fait le plus preuve de courage et de
mérite et vous leur promettrez dix écus sols que mon trésorier de Pau, maître
Duperray, leur paiera.
Le roi de Navarre se tourna vers un autre
officier.
— Monsieur Bellesunce, votre soldat aura
la croix de Saint-Esprit que vous avez demandée pour lui, il l’a bien gagnée.
» Maintenant, messieurs, occupons-nous de
M. Hauteville. Plusieurs d’entre vous le connaissent, l’ayant eu sous
leurs ordres, mais je suis celui qui le connais le mieux. Monsieur Hauteville
est catholique. Son père a été assassiné par la Ligue quand il était sur le
point de découvrir une fraude sur les tailles royales. C’est M. Hauteville
qui a finalement châtié les coupables et, avec l’aide de Monsieur de Mornay, une
partie de ces tailles détournées sont rentrées dans mes caisses !
Olivier vit Philippe de Mornay sourire.
— Dans une autre occasion, que certains d’entre
vous connaissent, monsieur Hauteville m’a sauvé la vie. Ensuite, il nous a
rejoints, pas vraiment par foi, puisqu’il est catholique et veut le rester, mais
il a tout de même tout quitté pour se battre avec nous.
Il se mit à rire, avant de reprendre plus
sérieusement :
— Aujourd’hui, M. Hauteville, à lui
tout seul, a fait disparaître du champ de bataille trois ou quatre cents de nos
ennemis. Il en a sans doute tués ou meurtris plus qu’aucun d’entre vous ! Notre
victoire appartient à Dieu, c’est vrai, mais s’il faut en attribuer quelque
chose aux hommes, croyez que M. de Clermont, M. de Rosny et
M. Hauteville, nos artilleurs, y ont bonne part, car leurs pièces ont fait
merveille.
» Messieurs, je n’oublierai jamais le
service que vous m’y avez rendu ! dit le roi en regardant Rosny qui se
rengorgea.
» M. Hauteville aurait pu s’arrêter
là, poursuivit Navarre. Il ne l’a pas fait, car il est trop vaillant homme !
Dans cette bataille, je fus un moment en difficulté, et qui vint me porter
secours, ayant vu depuis la Butte aux Loups qu’on m’attaquait en nombre ?
M. Hauteville, encore !
Navarre se tut et considéra les princes, ses
cousins et ses capitaines, avant de questionner :
— Que pensez-vous de ce brave, mes amis ?
— Il mérite d’être chevalier, mon cousin,
déclara fermement Soissons.
— Il le mérite ! clama Turenne, avec
un franc sourire.
— Il le mérite ! approuva gravement
La Rochefoucauld.
— Et toi, mon cousin, toi qui t’es battu
comme un lion ? demanda le roi au prince de Condé.
Navarre se tourna vers Olivier pour lui
expliquer, le visage sincèrement navré :
— C’est ma faute, je lui ai dit que je
lui montrerai que j’étais son aîné ! Il a voulu en faire plus que moi, il
a pris trop de risques et a
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