La Guerre des Gaules
passer dans la province romaine et, de là, marcher sur l'Italie, comme avaient fait avant eux les Cimbres et les Teutons : entreprise d'autant plus aisée que les Séquanes n'étaient séparés de notre province que par le Rhône ; à de pareilles éventualités il fallait, pensait-il, parer au plus tôt. Arioviste enfin était devenu si orgueilleux, si insolent, qu'il le jugeait intolérable.
34. Il décida donc de lui envoyer une ambassade qui lui demanderait de choisir un endroit pour une entrevue à mi-chemin des deux armées : « Il voulait traiter avec lui d'affaires d'État et qui les intéressaient au plus haut point l'un et l'autre. » Arioviste répondit que « s'il avait eu quelque chose à demander à César, il serait allé le trouver ; si César voulait quelque chose de lui, c'était à César à le venir voir. » Il ajouta qu'il n'osait pas se rendre sans armée dans la partie de la Gaule qui était au pouvoir de César, que, d'autre part, le rassemblement d'une armée exigeait de grands approvisionnements et coûtait beaucoup de peine. Au reste, il se demandait ce qu'avaient à faire César, et d'une façon générale les Romains, dans une Gaule qui lui appartenait, qu'il avait conquise.
35. Quand on lui rapporta cette réponse du chef germain, César lui envoya une deuxième ambassade chargée du message suivant : « Il avait reçu de lui et du peuple Romain un grand bienfait, s'étant vu décerner par le Sénat, sous le consulat de César, les titres de roi et d'ami ; puisque sa façon de témoigner à César et à Rome sa reconnaissance, c'était, quand César l'invitait à une entrevue, de mal recevoir cette invitation, et de se refuser à un échange de vues sur les affaires qui leur étaient communes, il lui signifiait les exigences suivantes : en premier lieu, qu'il s'abstînt désormais de faire franchir le Rhin à de nouvelles bandes pour les établir en Gaule ; deuxièmement, qu'il rendît les otages que les Héduens lui avaient donnés, et laissât les Séquanes rendre, avec son consentement exprès, ceux qu'ils détenaient ; il devait enfin cesser de poursuivre de ses violences les Héduens, et ne faire la guerre ni à eux ni à leurs alliés. Si telle était sa conduite, César et le peuple Romain continueraient de lui donner leur faveur et leur amitié ; mais si ses demandes n'étaient pas reçues, César, fort de la décision du Sénat qui sous le consulat de Marcus Messala et de Marcus Pison, avait décrété que tout gouverneur de la province de Gaule devrait, autant que le permettrait le bien de l'État, protéger les Héduens et les autres amis de Rome, César ne laisserait pas impunis les torts qu'on leur ferait. »
36. Arioviste répliqua que les lois de la guerre voulaient que les vainqueurs imposassent leur autorité aux vaincus comme bon leur semblait. C'est ainsi qu'il était dans les traditions de Rome de dicter la loi aux vaincus non point d'après les ordres d'un tiers, mais selon son gré. Puisque, de son côté, il s'abstenait de prescrire aux Romains l'usage qu'ils devaient faire de leur droit, il ne convenait pas qu'il fût gêné par eux dans l'exercice du sien. Si les Héduens étaient ses tributaires, c'était parce qu'ils avaient tenté la fortune des armes, parce qu'ils avaient livré bataille et avaient eu le dessous. César lui faisait un tort grave en provoquant, par son arrivée, une diminution de ses revenus. Il ne rendrait pas les otages aux Héduens ; il ne leur ferait pas, à eux ni à leurs alliés, de guerre injuste, mais il fallait qu'ils observassent les conventions et payassent chaque année le tribut ; sinon, le titre de frères du peuple Romain ne leur servirait guère. Quant à l'avis que lui donnait César, qu'il ne laisserait pas impunis les torts qu'on ferait aux Héduens, personne ne s'était encore mesuré avec lui que pour son malheur. Il pouvait, quand il voudrait, venir l'attaquer il apprendrait ce que des Germains qui n'avaient jamais été vaincus, qui étaient très entraînés à la guerre, qui, dans l'espace de quatorze ans, n'avaient pas couché sous un toit, étaient capables de faire. »
37. En même temps qu'on rapportait à César cette réponse, arrivaient deux ambassades, l'une des Héduens, l'autre des Trévires ; les premiers venaient se plaindre que les Harudes, qui étaient récemment passés en Gaule, ravageaient leur territoire : « Ils avaient eu beau donner des otages, cela n'avait pu leur
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