La Guerre des Gaules
de sang-froid pour oser prendre position au retranchement et pour fournir l'apparence d'une défense.
39. Sur ces entrefaites, nos moissonneurs, qui avaient achevé leur tâche, entendent des cris : les cavaliers partent en avant, se rendent compte de la gravité du danger. Mais ici, point de retranchement où des soldats effrayés puissent trouver un abri nos hommes, recrues récentes et sans expérience militaire, tournent leurs regards vers le tribun et les centurions ; ils attendent leurs ordres. Le plus brave est troublé par une situation si inattendue. Les Barbares, apercevant au loin les enseignes, cessent l'attaque ; ils croient d'abord au retour des légions dont leurs prisonniers leur avaient dit qu'elles s'étaient fort éloignées ; mais bientôt, pleins de mépris pour une si faible troupe, ils fondent sur elle de tous côtés.
40. Les valets courent au tertre le plus proche. Ils en sont promptement chassés et se jettent au milieu des enseignes et des manipules, ce qui augmente la frayeur de soldats faciles à troubler. Les uns sont d'avis de se former en coin et d'ouvrir vivement un passage, puisque le camp est si près en admettant que quelques-uns soient enveloppés et périssent, du moins pourra-t-on, pensent-ils, sauver le reste ; les autres veulent qu'on s'arrête sur la colline et que tous partagent le même sort. Ce parti n'est point approuvé des vieux soldats qui formaient le détachement dont nous avons parlé. Après de mutuelles exhortations, conduits par Caïus Trébonius, chevalier romain, qui les commandait, ils percent la ligne ennemie et arrivent au camp sans avoir perdu un seul homme. Les valets et la cavalerie, qui s'étaient jetés à leur suite, passent dans la même charge et la vaillance des légionnaires les sauve. Mais ceux qui avaient fait halte sur la colline, n'ayant encore aucune expérience des choses militaires, ne surent ni persévérer dans le dessein qu'ils avaient adopté de se défendre sur la hauteur, ni imiter la vigueur et la rapidité qu'ils avaient vu si bien réussir à leurs camarades : ils essayèrent de rentrer au camp et s'engagèrent sur un terrain bas et désavantageux. Les centurions, dont un certain nombre avaient été promus pour leur valeur des dernières cohortes des autres légions aux premières de celle-ci, ne voulant pas perdre la réputation qu'ils s'étaient acquise, se firent tuer en braves. Quant aux soldats, la vaillance de leurs officiers ayant un peu écarté l'ennemi, une partie d'entre eux put, contre tout espoir, atteindre le camp sans dommage ; les autres furent entourés et massacrés.
41. Les Germains, désespérant d'enlever le camp, parce qu'ils voyaient que les nôtres avaient pris maintenant position au retranchement, se retirèrent au-delà du Rhin en emportant le butin qu'ils avaient déposé dans les bois. Mais même après le départ de l'ennemi, la terreur fut telle que Laïus Volusénus, qui avait été envoyé avec la cavalerie et arriva au camp cette nuit-là, ne pouvait faire croire que César allait être là avec son armée intacte. La frayeur s'était si bien emparée de tous qu'ils en perdaient presque la raison, disant que toutes les troupes avaient été détruites, que la cavalerie avait réussi à échapper, et prétendant que, si l'armée avait été intacte, les Germains n'auraient pas attaqué le camp. L'arrivée de César mit fin à cette panique.
42. Une fois de retour, César, qui n'ignorait pas les hasards de la guerre, se plaignit seulement d'une chose, qu'on eût fait quitter leur poste aux cohortes pour les envoyer hors du camp : il n'aurait pas fallu laisser la moindre place à l'imprévu ; par ailleurs il estima que le rôle de la Fortune avait été grand dans la soudaine arrivée des ennemis, et qu'elle était intervenue plus puissamment encore en écartant les Barbares du retranchement et des portes quand ils en étaient presque maîtres. Le plus étonnant de toute l'affaire, c'était que les Germains, dont le but, en franchissant le Rhin, était de ravager le territoire d'Ambiorix, avaient apporté à celui-ci, parce que les circonstances les avaient conduits au camp romain, le concours le plus précieux qu'il eût pu souhaiter.
43. César, reprenant sa campagne de dévastation, disperse de tous côtés un fort contingent de cavalerie qu'il avait tiré des cités voisines. On incendiait les villages, tous les bâtiments isolés qu'on apercevait, on massacrait le bétail ; partout
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