La Guerre des Gaules
pour ne pas ôter aux Barbares tout sujet de craindre son retour et pour retarder les auxiliaires qu'ils pourraient envoyer en Gaule, une fois ses troupes ramenées il fait couper sur une longueur de deux cents pieds la partie du pont qui touchait à la rive ubienne, et à son extrémité il construit une tour de quatre étages, installe pour assurer la défense du pont une garnison de douze cohortes et fortifie ce lieu de grands travaux. Il donne le commandement de la place au jeune Caïus Volcacius Tullus. Quant à lui, il part, comme les blés commençaient à mûrir, pour aller combattre Ambiorix ; à travers la forêt des Ardennes – c'est la plus grande forêt de toute la Gaule, elle s'étend depuis les bords du Rhin, en pays trévire, jusqu'aux Nerviens, sur plus de cinq cents milles – il envoie en avant Lucius Minucius Basilus et toute la cavalerie, avec ordre de profiter de la rapidité de sa marche et de toute occasion favorable ; il lui recommande d'interdire les feux au campement, pour ne pas signaler de loin son approche ; il l'assure qu'il le suit de près.
30. Basilus se conforme aux ordres reçus. Arrivant après une marche rapide, et qui surprend tout le monde, il s'empare de nombreux ennemis qui travaillaient aux champs sans méfiance ; sur leurs indications, il va droit à Ambiorix, là où, disait-on, il se trouvait avec quelques cavaliers. Le pouvoir de la Fortune est grand en toutes choses, et spécialement dans les événements militaires. Ce fut un grand hasard, en effet, qui permit à Basilus de tomber sur Ambiorix à l'improviste, sans même qu'il fût en garde, et de paraître aux yeux de l'ennemi avant que la rumeur publique ou des messagers l'eussent averti de son approche ; mais ce fut pour Ambiorix une grande chance que de pouvoir, tout en perdant la totalité de son attirail militaire, ses chars et ses chevaux, échapper à la mort. Voici comment cela se fit : sa maison étant entourée de bois selon l'usage général des Gaulois qui, pour éviter la chaleur, recherchent le plus souvent le voisinage des forêts et des rivières, ses compagnons et ses amis purent soutenir quelques instants, dans un passage étroit, le choc de nos cavaliers. Pendant qu'on se battait, un des siens le mit à cheval : les bois protégèrent sa fuite. C'est ainsi qu'il fit successivement mis en péril et sauvé par la toute-puissance de la Fortune.
31. Ambiorix ne rassembla pas ses troupes : le fit-il de propos délibéré, parce qu'il estimait qu'il ne fallait point livrer bataille, ou bien faute de temps et empêché par la soudaine arrivée de notre cavalerie, qu'il croyait suivie du reste de l'armée ? On ne sait ; toujours est-il qu'il envoya de tous côtés dans les campagnes dire que chacun eût à pourvoir à sa sûreté. Une partie se réfugia dans la forêt des Ardennes, une autre dans une région que couvraient sans interruption des marécages ; ceux qui habitaient près de l'océan se cachèrent dans des îles que forment les marées ; beaucoup quittèrent leur pays pour aller se confier, eux et tout ce qu'ils possédaient, à des peuples qu'ils ne connaissaient aucunement. Catuvolcos, roi de la moitié des Eburons, qui s'était associé au dessein d'Ambiorix, affaibli par l'âge et ne pouvant supporter les fatigues de la guerre ou de la fuite, après avoir chargé d'imprécations Ambiorix, auteur de l'entreprise, s'empoisonna avec de l'if, arbre très commun en Gaule et en Germanie.
32. Les Sègnes et les Condruses, peuples de race germanique et comptés parmi les Germains, qui habitent entre les Eburons et les Trévires, envoyèrent des députés à César pour le prier de ne pas les mettre au nombre de ses ennemis et de ne pas considérer tous les Germains d'en deçà du Rhin comme faisant cause commune : « Ils n'avaient pas songé à la guerre, ils n'avaient envoyé aucun secours à Ambiorix. » César, après s'être assuré du fait en interrogeant des prisonniers, leur ordonna de lui amener les Eburons qui pouvaient s'être réfugiés chez eux : « s'ils obéissaient, il respecterait leur territoire. » Après quoi il divisa ses troupes en trois corps et rassembla les bagages de toutes les légions à Atuatuca. C'est le nom d'une forteresse. Elle est située à peu près au centre du pays des Eburons ; c'est là que Titurius et Aurunculéius avaient eu leurs quartiers d'hiver. Ce lieu lui avait paru convenable pour plusieurs raisons, mais particulièrement parce
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