La Guerre des Gaules
on faisait du butin ; toute cette multitude de bêtes et d'hommes consommait les céréales, sans compter que la saison avancée et les pluies les avaient couchées en sorte que, même si quelques-uns avaient pu pour le moment échapper en se cachant, on voyait bien qu'ils devraient, une fois l'armée partie, succomber à la disette. Souvent, avec une cavalerie battant le pays dans tous les sens en si nombreux détachements, il arriva qu'on fît des prisonniers qui venaient de voir passer Ambiorix en fuite, et le cherchaient des yeux, assurant qu'il n'était pas encore tout à fait hors de vue : on espérait alors l'atteindre et l'on faisait des efforts infinis ; soutenu par l'idée d'entrer dans les bonnes grâces de César, on dépassait presque la limite des forces humaines, et toujours il s'en fallait d'un rien qu'on n'atteignît le but tant désiré : lui, cependant, trouvait des cachettes ou des bois épais qui le dérobaient, et à la faveur de la nuit il gagnait d'autres contrées, dans une direction nouvelle, sans autre escorte que quatre cavaliers, à qui seuls il osait confier sa vie.
44. Après avoir ainsi dévasté le pays, César ramena son armée, moins les deux cohortes perdues, à Durocortorum des Rèmes ; ayant convoqué dans cette ville l'assemblée de la Gaule, il entreprit de juger l'affaire de la conjuration des Sénons et des Carnutes : Acco, qui en avait été l'instigateur, fut condamné à mort et supplicié selon la vieille coutume romaine. Un certain nombre, craignant d'être également jugés, prirent la fuite. César leur interdit l'eau et le feu ; puis il répartit ses légions en quartiers d'hiver, deux sur la frontière des Trévires, deux chez les Lingons, les six autres dans le pays sénon, à Agédincum, et, après les avoir approvisionnées de blé, il partit pour l'Italie, comme il faisait d'habitude, pour y tenir ses assises.
Figure 15 Campaign map for 52 B.C.
LIVRE SEPTIÈME
52 av. J.-C.
1. Voyant la Gaule tranquille, César, ainsi qu'il l'avait décidé, part pour l'Italie afin d'y tenir ses assises. Là, il apprend le meurtre de Publius Clodius et, ayant eu connaissance du sénatus-consulte qui ordonnait l'enrôlement en masse de la jeunesse d'Italie, il entreprend une levée dans toute sa province. La nouvelle de ces événements parvient vite en Transalpine. Les Gaulois y ajoutent de leur propre chef, inventent et répandent une nouvelle qui leur paraissait être le complément naturel de la première : César était retenu par les troubles de Rome, et il ne lui était pas possible de se rendre à l'armée quand la lutte des partis était si vive. L'occasion excite ces hommes qui déjà ne supportaient qu'avec impatience d'être soumis au peuple Romain : ils commencent à faire des projets de guerre avec plus de liberté et de hardiesse. Les chefs gaulois s'entendent pour tenir des conciliabules dans des lieux écartés, au milieu des bois là, ils se plaignent de la mort d'Acco ; ils montrent que ce sort peut devenir le leur ; ils déplorent le malheur commun des Gaulois ; en promettant toutes sortes de récompenses, ils demandent instamment qu'on entre en guerre et qu'on joue sa vie pour rendre à la Gaule sa liberté. « La première chose, disent-ils, à laquelle on doit aviser, c'est de couper César de son armée avant que leurs projets clandestins ne soient divulgués. C'est chose facile, car les légions n'osent pas, en l'absence du chef, sortir de leurs quartiers d'hiver et, de son côté, le chef, sans escorte, ne peut rejoindre ses légions ; et puis mieux vaut mourir en combattant que de ne pas recouvrer l'antique honneur militaire et la liberté que les aïeux ont légués. »
2. Après mainte discussion sur ces projets, les Carnutes déclarent que pour le salut de la patrie il n'est pas de danger qu'ils n'acceptent, et ils promettent d'être au premier rang des révoltés. « Puisque pour le moment on ne peut se garantir mutuellement par un échange d'otages, car cela risquerait d'ébruiter leur projet, que du moins, disent-ils, on s'engage par des serments solennels, autour des étendards réunis en faisceau – cérémonie qui noue, chez eux, le plus sacré des liens – à ne pas les abandonner une fois les hostilités commencées. » On félicite à l'envi les Carnutes ; le serment est prêté par toute l'assistance, et on se sépare après avoir fixé la date du soulèvement.
3. Quand arrive le jour convenu, les Carnutes,
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