La Guerre des Gaules
manquèrent de pain, et n'échappèrent aux horreurs de la famine que grâce à quelque bétail qu'on amena de lointains villages ; pourtant, dans cette situation, on ne leur entendit pas proférer une parole qui fût indigne de la majesté du peuple Romain et de leurs précédentes victoires. Bien plus, comme César, visitant les travaux, adressait la parole à chaque légion et disait que si les privations leur étaient trop pénibles, il renoncerait au siège, ce fut un cri unanime pour le prier de n'en rien faire : « Ils avaient pendant de longues années servi sous ses ordres sans subir aucun affront, sans jamais s'en aller en laissant inachevé ce qu'ils avaient entrepris : ils considéreraient comme un déshonneur d'abandonner le siège commencé ; ils aimaient mieux tout souffrir plutôt que de ne pas venger les citoyens romains qui, à Cénabum, avaient été victimes de la perfidie des Gaulois. » Ils exprimaient aux centurions et aux tribuns les mêmes sentiments, afin que César en fût informé par eux.
Figure 16 The siege of Avaricum
18. Déjà les tours étaient proches du rempart, quand César apprit par des prisonniers que Vercingétorix, n'ayant plus de fourrage, avait rapproché son camp d'Avaricum, qu'il avait pris en personne, le commandement de la cavalerie et de l'infanterie légère exercée à combattre parmi les cavaliers, et était parti pour dresser une embuscade à l'endroit où il pensait que les nôtres viendraient fourrager le lendemain. A cette nouvelle, César partit au milieu de la nuit en silence et parvint le matin au camp des ennemis. Mais leurs éclaireurs les avaient rapidement avertis de son approche : ils cachèrent leurs chariots et leurs bagages dans l'épaisseur des forêts, et rangèrent toutes leurs troupes sur un lieu élevé et découverte. Quand César l'apprit, il fit promptement rassembler les bagages et prendre la tenue de combat.
19. La position de l'ennemi était une colline qui s'élevait en pente douce. Elle était entourée presque de toutes parts d'un marais difficile à traverser et plein d'obstacles, dont la largeur n'excédait pas cinquante pieds. Les Gaulois avaient coupé les passages et, confiants dans la force de leur position, ne bougeaient pas de leur colline ; rangés par cités, ils occupaient solidement tous les gués et tous les fourrés de ce marais, prêts, au cas où les Romains essaieraient de le franchir, à profiter de leur embarras pour fondre sur eux du haut de leur colline : qui ne voyait que la proximité des deux armées croyait les Gaulois disposés à engager le combat à armes à peu près égales ; mais pour qui se rendait compte de l'inégalité des positions, leur contenance apparaissait comme une vaine parade. Les soldats s'indignaient que l'ennemi pût, à une si courte distance, soutenir leur vue, et ils réclamaient le signal du combat ; mais César leur explique ce que coûtera, nécessairement, la victoire, combien de braves il y faudra sacrifier ; devant tant de résolution, quand ils acceptent tous les dangers pour sa gloire, il mériterait d'être taxé de monstrueux égoïsme, si leur vie ne lui était plus précieuse que la sienne propre. Ayant calmé les soldats par ces paroles, il les ramène au camp le jour même, et prend les dernières mesures pour l'assaut de la place.
20. Vercingétorix, de retour auprès des siens, se vit accuser de trahison : « Il avait porté son camp plus près des Romains, il était parti avec toute la cavalerie, il avait laissé des forces si importantes sans leur donner de commandant en chef, enfin les Romains, après son départ, étaient arrivés bien a propos et bien vite ; tout cela n'avait pu se produire par l'effet du hasard et sans être voulu ; il aimait mieux régner sur la Gaule par concession de César que de leur en être redevable. » A de telles accusations, il répondit en ces termes : « Il avait déplacé le camp : c'était parce que le fourrage manquait, et eux-mêmes y avaient poussé. Il s'était rapproché des Romains : il y avait été déterminé par les avantages de la position, qui se défendait d'elle-même, sans qu'on eût à la fortifier. La cavalerie, il n'y avait pas eu lieu, sur un terrain marécageux, d'en regretter les services, et elle avait été utile là où il l'avait menée. Le commandement en chef, c'était à dessein qu'il ne l'avait confié à personne, par crainte que le chef désigné, cédant aux désirs de la
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